Pour rire

Le quotidien me lasse, le petit bonheur paisible m’irrite, je ne suis heureux qu’au milieu de l’ouragan, quand le vent déracine les arbres, fait voler les toits, transforme la ville en zone de guerre. Ça, ça me plaît. Mais évidemment, je le garde pour moi, car mes concitoyens me botteraient le derrière, me chasseraient de leurs clubs et de leurs soirées mondaines. Comme je suis le maire, ça m’embêterait.

La saison des ouragans est brève et parfois décevante, alors je m’invente de petits jeux pour me distraire, m’effrayer ou m’amuser. Incendie, sports extrêmes, j’ai même fait quelques vols à main armée, question de briser la monotonie.

Ce matin, pour rire, j’ai fait croire à mes concitoyens que j’étais Bigfoot. Je me suis déguisé, certain qu’ils ne me reconnaîtraient pas. Et ils ne m’ont pas reconnu. Sauf qu’ils m’ont cru et craint. Pour mon malheur, ils m’ont tous cru, comment peut-on être si crédule, si naïf? J’ai eu beau leur représenter que Bigfoot était un personnage fictif, qu’il ne fallait pas fusionner mythe et réalité, ils n’ont rien voulu entendre, et ils après quelques photos, quelques autoportraits à distance respectable, ils se sont tous enfuis.

J’ai bien voulu retirer mon déguisement, mais je l’avais un peu trop bien collé à ma peau, je n’y suis pas parvenu. J’ai dû fuir au-delà des limites de la ville, le temps de trouver un moyen de sortir, incognito, du personnage encombrant.

Quand j’ai voulu rentrer chez moi, sous le couvert de la nuit, je me suis rendu compte que des sentinelles armées veillaient. La ville avait vraiment la frousse. Spectacle amusant, mais pendant ce temps, que faire? Je ne peux pas rentrer à la maison, et tôt ou tard, on remarquera que le maire manque à l’appel.

Deux jours plus tard, j’erre toujours dans les forêts environnantes, prisonnier de mon déguisement. J’ai eu beau plonger dans un lac, me frotter avec du sable, rien n’y fit. Chaque fois que je croise quelqu’un, les cris fusent.

Alors ils ont commencé à me chasser. Les uns veulent me capturer, pour m’ausculter. Les autres veulent me tuer, pour m’empailler. Je me vois contraint de fuir toujours plus loin en forêt, de vivre parmi les bêtes dans les montagnes inhospitalières.

Foutu déguisement! Il commence à s’intégrer à ma propre peau, et le faux pelage prend vie, progressivement. J’ignorais que ce phénomène était possible.

Depuis un mois que je couche à la belle étoile, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau. Je n’ai pas froid, ma fourrure me protège, et à mesure que les semaines passent, je la sens qui prend du volume. J’imagine que je me prépare à passer l’hiver.

Tous les jours, maintenant, je dois parcourir des kilomètres et des kilomètres pour me nourrir. Petits fruits, petits animaux, poissons, je mange tout, cru. Curieusement, je digère bien, comme si cela avait toujours été mon menu.

Récemment, je me suis battu avec un ours. Il a fini par s’enfuir, mais j’en ai récolté une jolie blessure à la cuisse.

Décidément, depuis que je suis Bigfoot, je ne vois plus le temps passer. Ma vie est devenue une perpétuelle émotion forte, et à ce rythme, je crains qu’elle ne soit sensiblement abrégée. Après plus de deux ans loin des miens, je m’étonne parfois de ne ressentir aucune nostalgie. M’a-t-on recherché, m’a-t-on pleuré, je sais que ce sont là des questions qui devraient me hanter. Mais elles m’indiffèrent. Je ne suis pas heureux, je ne suis pas malheureux, je suis de la vie, tout simplement.

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Canicule et révolution

Je suis dans le sous-sol, et je pense au gouvernement, je pense à mes contemporains, je vois les nouvelles défiler sur l’écran de mon téléphone, et après bien des hésitations, je décide de changer le monde. Maintenant.

Première étape: écrire le manifeste qui ébranlera les certitudes et redonnera espoir.

Deuxième étape: rassembler ceux qui cliqueront sur j’aime.

Troisième étape: agir.

Ça me semble plutôt simple. Personne n’y a pensé?

Il me fallait une canicule pour inventer ce plan génial. Efficace.

J’avais chaud, je suais. Trop. J’ai abandonné le rez-de-chaussée et son confort, pour me réfugier dans le sous-sol, malgré les araignées et les petites bêtes rampantes. Ici, la canicule n’existe plus, le climat est redevenu normal, le bonheur est à nouveau possible.

Le manifeste, donc. Commencer modestement. Citoyens de ma rue. Mais gardons nos visées globales, soyons ambitieux. Citoyens de ma rue et peuple de la terre, ensemble nous changerons le mon…

Zut. Mon clavier!

Je dois griffonner avec ce moignon de crayon.

Mon clavier ne fonctionne plus, à moitié. Je peux taper la moitié des lettres, qwerty en descendant, mais uiop en descendant ne donnent plus rien. Je ne pourrai pas écrire un manifeste s’il me manque autant de lettres. Ce serait incompréhensible.

Ce doit être l’humidité. J’aurais dû y penser. Faudra maintenant que j’achète un nouveau clavier, mais je n’en ai pas les moyens. Pas avant le mois prochain. Trop de factures en retard. Comme l’électricité.

Remettons ce manifeste à plus tard. Il sera toujours temps de changer le monde, dans quelques semaines, dans quelques mois, ou à une date ultérieure.

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Chansons perdues

Mathilde m’avait recommandé de fermer les yeux, de méditer profondément pour libérer mon énergie et lui permettre de se marier aux énergies de l’univers et de mes concitoyens. J’ai dû fermer les yeux trop longtemps. Pendant que je ne regardais pas, on m’a volé mon sac. Il contenait tout. Mes deux livres, toute ma fortune, une vieille montre dont j’avais hérité d’un oncle fou, un ticket pour un concert d’Elvis jamais utilisé que j’avais trouvé dans un comics d’occasion, et surtout, mon bloc-notes, celui où j’ai écrit les chansons que je voulais chanter lorsque j’aurais su chanter, ce qui n’aurait pas tardé. Mais sans mes chansons, que devenir?

Alors j’ai demandé à mon ami Ricardo de m’aider. Il fermait les yeux méditait lui aussi, assis juste là, près de moi, quand le forfait fut commis. Ricardo n’a vu qu’une ombre s’approcher, subrepticement, puis s’éloigner, tout aussi subrepticement, et il croit que c’était l’ombre des énergies de l’univers qui nous rendait une petite visite. Ricardo n’est pas stupide, c’est mon ami, mais il est un peu con. Impossible d’obtenir de lui la moindre description du suspect, de son ombre mystérieuse, et à ce jour il croit toujours à une apparition, une révélation, il s’est inscrit dans une secte à qui il verse vingt-trois mille dollars chaque année, sans compter les petits extra. En plus, Ricardo se fout de mes chansons. Il me répète que je ne les aurais jamais chantées, et que si je l’avais fait, le monde entier m’aurait fuit.

J’ai donc payé une annonce dans les journaux pour retrouver mon sac, et surtout, mes chansons. J’ai placardé des affiches dans les lieux publics, devant les bars et les dispensaires de drogues biologiques, chimiques, magiques. Le message était simple: j’implorais le pillard de me rendre mes chansons, et je lui abandonnais tout le reste, les livres, la fortune, la montre, les tickets pour le concert d’Elvis, et le sac lui-même. Mais qu’on me rende le bloc note! J’ai eu beau afficher, supplier et même offrir une récompense, rien n’y fit.

En désespoir de cause, je me suis rendu chez les policiers. J’ai toujours eu d’informes réticences à m’adresser aux forces de l’ordre, mais la détresse m’y contraignait. J’explique donc la situation à deux policiers, fort attentifs. La méditation, les énergies de l’univers, l’ombre, le vol, mes chansons envolées. Le plus vieux des deux m’a invité à m’asseoir à leur table, et nous avons entamé une partie de Monopoly. Ils étaient doués, et moi aussi. Ça n’avait pas de fin. Plus tard dans la nuit, le plus vieux des policiers, qui était à deux doigts de la banqueroute, s’est endormi. Le plus jeune m’a offert le seul lit disponible, dans une cellule.

Au petit matin, les policiers de relève ont trouvé étrange que la porte de ma cellule soit grande ouverte. On m’a donc accusé de tentative d’évasion. J’ai à nouveau raconté mon histoire, l’univers, l’énergie et mes chansons, mais plutôt que de m’écouter, on m’a transféré dans un institut psychiatrique, où on m’a démonté le cerveau, pièce par pièce, pour me le remonter plus joliment. Après une onzaine d’années, on m’a enfin laissé errer dans la ville.

Puisque je ne n’ai jamais retrouvé mes chansons, et qu’il y a de bonnes chances que mon bloc-notes soit aujourd’hui détruit par l’eau, le feu, la terre ou les énergies de l’univers, je me suis vu contraint d’abandonner tout espoir de chanter. Sans mes chansons, en effet, comment y parviendrais-je? Quant à en écrire d’autres, cela est impensable. Le temps d’écrire des chansons est révolu.

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Le grand Julien

GRAND-MAMAN: Bonjour mon petit Julien. Ah ah ah! Je devrais dire mon grand Julien! Tu es maintenant bien plus grand que ta vieille grand-mère! Combien fais-tu? Un mètre quatre-vingt-cinq? Un mètre quatre-vingt-dix? Oh la la! Tu grandis tellement vite. On ne voit pas le temps passer. Il y a combien de mois qu’on ne s’est vus? Ou serait-ce un an? Deux ans? Dis-moi, aimes-tu encore autant te promener à bicyclette?

JULIEN: Ouais. J’avais un hardtail jusqu’à l’an dernier, mais je viens de m’acheter un full sup avec cent cinquante en avant, cent trente en arrière. Plus facile pour les sentiers enduro.

GRAND-MAMAN: Grand-Maman n’est pas certaine de comprendre, mais je suis convaincue que ta nouvelle bicyclette est bien jolie. J’aimerais bien la voir, mais n’est-ce pas, vous vivez si loin, ce serait compliqué de l’emmener jusqu’ici. Et à mon âge, je ne peux plus voyager comme autrefois. Je me souviens, quand tu étais tout petit, tu étais tombé à bicyclette, sur le trottoir. Tu te souviens? Oh, peut-être pas, tu étais si petit. J’imagine que tu ne tombes plus maintenant, ah ah ah, tu as un bien meilleur équilibre.

JULIEN: Ça m’arrive. J’ai crashé en descendant une double diamond, mais ça va, j’ai juste cassé un doigt. Moins pire que l’été dernier, quand j’ai essayé mon premier back flip. Cassé trois côtes. À part ça, il y a eu une commotion, des éraflures, un poignet tordu.

GRAND-MAMAN: Tu n’as pas plus d’équilibre que ça? Tu m’étonnes. À ton âge, je tombais rarement à bicyclette. Et tu aurais dû voir toutes les folies qu’on faisait. Tu connais la côte derrière l’église? Eh bien, tu me croiras si tu veux, mais nous la descendions à bicyclette sans freiner! Sans freiner! Tu te rends compte! On nous appelait les casse-cous, et plein d’autres noms bien moins gentils. Mais ça, évidemment, c’était il y a longtemps. Je t’assure, tu aurais eu bien peur avec nous!

JULIEN: Peur? De m’ennuyer, peut-être. J’ai l’impression qu’on ne se comprend pas top. Faudrait que je t’apporte une vidéo, la prochaine fois. Derrière chez moi, il y a une côte aussi. Avec des drop, des gap jumps, des table top, tout quoi. Il y a même une descente assez technique, dans les pierres et les racines.

GRAND-MAMAN: Oh, comme j’aimerais aller chez toi. Tout ce que je pourrais te montrer à bicyclette. Faudrait y aller par étapes, évidemment, pour que tu ne te blesses pas.

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La 126e

MARC: Tout le monde, c’est connu, souhaite habiter sur la 126e rue à Shawinigan-Sud. J’en ai traversé des continents, et partout, sans exception, on m’avoue rêver de s’établir là. Latinos comme Chinois, Français comme Russes, tous ont les yeux rivés sur la 126e. Pas un n’hésiterait à laisser derrière une tour Eiffel ou une Grande muraille, si l’occasion se présentait de traîner sa vie du côté de la 126e.

JOCELYNE: Si je vivais sur la 126e, je crois que ça m’aiderait à cesser de fumer. Oh, j’ai essayé si souvent, plus souvent que j’ai de doigts, mains et pieds confondus. Je me vois, allongée dans mon jardin, les yeux fermés, à respirer l’air à pleins poumons comme jamais je ne l’ai fait auparavant. Ma vie serait transformée. Je pourrais reprendre le sport. J’aimais tellement le ping-pong! Et je me ferais de nouveaux amis, tous non-fumeurs. Nous pourrions fonder une commune, ou à défaut, une famille, enfin quelque chose avec plusieurs personnes dedans et un peu d’amour. Mais attention, j’emploie ce mot avec prudence, car on ne sait jamais ce qu’il cache, et comment deviner ce qu’il contient quand on est là-bas, sur la 126e?

LENA: Avoir une maison, là, ça me permettrait de devenir vraiment une personne importante. Importante en soi. En moi. Importante d’une importance significative, pas d’une importance insignifiante. Je changerais tout de suite d’emploi, et mes journées ne porteraient plus ces lourds voiles opaques qui m’empêchent de voir le ciel bleu.

JORGE: J’ai de l’ambition. Je sais que si j’y mets toute la persévérance et l’énergie dont je suis capable, je finirai par l’acheter mon chez-soi sur la 126e à Shawinigan-Sud. Je le sens. C’est difficile à exprimer, cette certitude, parce qu’elle est tellement profonde, tellement fondue dans le sang qui coule dans mes veines et me donne la force d’espérer. J’aurai mon chez-soi. Il y aura un garage, et je pourrai enfin remplacer ma vieille bagnole par un roadster rouge rutilant.

ASHLEY: J’ai déjà choisi la maison que je veux acheter. Dès que j’en aurai les moyens, je l’achèterai. Si elle n’est pas à vendre, je ferai une offre irrésistible. Elle fait l’angle, et elle est légèrement en retrait. J’installerai mon atelier de couture dans le salon, et par les deux baies vitrées, j’aurai vue sur l’univers!

TIAN: C’est là que je finirai mes jours. J’économise depuis vingt ans, et dès que la retraite sonne, si les conditions le permettent, j’achète sur la 126e. N’importe quelle maison. J’achète. Mon corps se reposera, mon âme s’élèvera. Je serai heureux.

ASSANE: Nous prévoyons avoir un enfant d’ici cinq ans. Nous aurons atteint, je l’espère, une sécurité professionnelle, et nous aurons suffisamment voyagé pour vivre quelques années sédentaires. Sur la 126e, bien entendu. C’est notre plan.

VLADIMIR: Un emménagement sur la 126e, ça se prévoit longtemps d’avance. On ne se lance pas dans cette aventure à l’aveuglette. Oh non! On risquerait d’être amèrement déçu. Il faut approfondir sa connaissance des lieux, étudier l’histoire, les principaux événements depuis au moins, disons, le dix neuvième siècle. Il importe, ensuite, de consulter les études sociologiques, anthropologiques, économiques, sur la population locale, ses habitudes, ses mœurs. Mais ce n’est pas tout. Celui qui négligerait des éléments fondamentaux comme la géographie, la géologie ou le climat, risquerait de se heurter à un mur le jour de la grande décision. Ma femme et moi, nous étudions depuis douze ans et, est-il nécessaire de le préciser, nous ne sommes pas au bout de nos peines!

CAROLINE: Ah, belle 126e! Comme mon petit cœur t’aime! Émue par ta splendeur, par tes parterres en fleurs, j’irai goûter la joie de t’avoir avec moi. Hélas mon espérance se heurte à ta puissance, qui ne peut s’abaisser à me voir trépigner.

KENZO: Tous les ans, avec ma femme et nos quinze enfants, nous prenons l’avion pour aller visiter la 126e rue à Shawinigan-Sud. Nous louons une chambre d’hôtel, à proximité, et chaque jour, nous nous rendons sur place. La famille est en liesse, à chaque fois! Quelle magie! Nous avons des albums photo complets consacrés à cette rue, et maintenant, plusieurs vidéos. L’an dernier, la maison aux balcons verts n’avait plus de balcons verts. Ils étaient bleus. Tout un changement. Ils sont rares, les changements, sur la 126e, et chaque fois, je le déclare sans retenue, cela nous chamboule. Nous en parlons ensuite toute l’année, nous élaborons des théories pour y trouver un sens, et cela provoque parfois quelques étincelles. Je me demande si cette année nous vivrons d’autres changements, ou plus exactement, révolutions, de ce type. J’en tremble, nous en tremblons. Par bonheur, nous savons qu’un jour nous effectuerons notre dernier voyage. Oui, parce que ce jour-là, nous emménagerons enfin sur la 126e!

CLAUDE: Moi j’y habite, sur la 126e. Je ne vois pas ce que vous lui trouvez.

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Fortune et hamburgers

Quand j’étais riche, monsieur, je ne lisais pas. Jamais. Je me nourrissais de hamburgers et de beignets à la crème, et je buvais de la bière. Américaine. Quand j’étais riche, je m’enrichissais. J’avais du flair, l’esprit pratique, si bien que je me réveillais toujours plus riche que je ne m’étais endormi.

Jusqu’au jour où.

Ce jour fatal où je me suis laissé convaincre de prendre des vacances, de ne rien faire pendant trois jours, trois nuits. De m’asseoir là, bien à l’aise, sans lever les yeux sur ceux qui s’agitent. Ce jour-là, monsieur, j’ai perdu contact, et je n’ai jamais pu rétablir la communication.

Au bout de mes trois jours trois nuits, je suis retourné à mes affaires, j’ai acheté, vendu, soudoyé, ramassé. Mais je l’ai senti, le flair s’étiolait et l’incertitude croissait. Du jamais vu. J’avançais du même pas habituel et pourtant, malgré moi, je me sentais aspiré par une spirale infernale vers des profondeurs obscures.

Jusqu’à la modification.

Je ne voyais plus ce que j’avais vu, je ne comprenais plus ce que j’avais compris, je dépérissais. Tout ça à cause de trois maigres journées. Comme si on avait tiré un fil de la prise électrique, et qu’entre-temps, la prise avait disparu.

Alors j’ai voulu comprendre. Je me suis mis à étudier. Médecine, psychologie, anthropologie, économie, littérature, géologie. On m’a fait docteur en toutes ces matières, et j’ai parcouru le monde, et j’ai parlé, et j’ai lu, et j’ai parlé. Je me suis mis à boire les vins les plus chers sans pouvoir m’en empêcher, je me suis nourri de caviar et de boeuf de Kobé, j’ai voyagé sans nécessité, j’ai fréquenté les grands hôtels par délicatesse, je me suis découvert un goût pour les étoffes rares et les bijoux uniques.

Je me suis ruiné.

Il ne m’est resté que mes livres, des milliers de livres empilés dans mon petit appartement. Je les lis et les relis encore, mais j’ai perdu la foi depuis longtemps. Je ne crois plus que je finirai par comprendre quoi que ce soit au tourbillon de ma vie. Mais dans les universités et même sur la place publique, on m’applaudit encore lorsque je livre un discours. Toujours le même, avec de nouveaux mots que je peine parfois à comprendre. 

Le soir, chez moi, pour ne pas me rappeler mes hamburgers et ma fortune, je lis, je lis pendant des heures, jusqu’à ce que le sommeil vienne.

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Personne n’a péri

Quand j’ai acheté la maison, j’aurais dû visiter toutes les pièces. J’avais hâte d’emménager, et c’est tellement grand. Immense. Le rez-de-chaussée m’a semblé parfait, toutes les chambres où je suis entré, puis il y a eu ce coup de fil, j’ai eu à me rendre d’urgence chez un fournisseur qui refusait de livrer l’équipement dont nous avions absolument besoin. La folie, comme d’habitude. Pas eu le temps de revenir pour visiter les quelques chambres où je n’avais pas pointé le bout du nez. J’ai acheté, payé, emménagé.

Cela a pris plus d’un mois avant que je ne le découvre. Un homme, mal habillé, pas lavé, impoli, qui vivait dans une des chambres! Chez moi! Je lui ai montré la porte, il a refusé de partir. Je l’ai pris par le collet, l’ai tiré jusque dans la rue. Bon débarras!

Eh bien non. L’énergumène a couru se plaindre à la police et à l’assistance publique. Les fonctionnaires se sont mis à remplir leurs formulaires, et moins d’une semaine plus tard, ils se présentaient chez moi avec l’intrus, encadrés de deux policiers. On m’obligeait à reprendre, chez moi, le pouilleux que j’avais évincé.

J’ai convoqué mon avocat, qui a revu tous les formulaires sur le pas de ma porte. Il m’a rassuré en me confirmant que j’avais le droit de loger sous mon toit qui je voulais. La loi est claire, limpide, m’a-t-il dit. Par contre, la façon dont les fonctionnaires avaient coché leurs cases les amenait à une autre conclusion. Inutile, m’a précisé l’avocat, d’argumenter avec eux. Ils ne sont pas payés pour penser, ni en mesure de le faire. Dans l’immédiat, je devais donc me soumettre à l’ordre émis. Évidemment, je gagnerais ma cause devant un juge d’une Cour supérieure, mais pour en arriver là, il faudrait que je subisse le long calvaire du tribunal administratif, de l’appel, de la Cour de basse instance, d’un nouvel appel, sans compter les innombrables motions que s’amuseraient à déposer les avocats du gouvernement, ils sont payés pour le faire et ils tiennent à leurs salaires bonus avantages sociaux pots de vin, ce qui pourrait prendre, au mieux un an et demi, au pire, une dizaine d’années.

Nous avons entamé les recours, mais entre-temps, j’ai mis la maison en vente. Il y a eu de nombreux acheteurs intéressés, mais tous, qui ont pris la peine de visiter l’ensemble des pièces, ont exigé que l’intrus soit d’abord expulsé. Devant l’ordre bureaucratique qui le protégeait, tous ont tourné les talons. J’ai donc accepté de vendre à perte, mais sans plus de succès.

Il a donc fallu vivre avec l’énergumène. J’ai mis des verrous à toutes les portes, sauf à celle de sa chambre, mais les fonctionnaires me les ont fait enlever. Il a bien fallu m’en accommoder.

Il pouvait se passer des jours, voire des semaines sans que je ne le voie. Je ne l’oubliais pas, mais son absence me permettait de respirer. Puis il apparaissait au milieu d’un repas où j’avais convié des amis, il surgissait dans ma salle de travail quand j’étais concentré sur un projet, il traversait la cuisine en pétant.

Puis ça s’est aggravé. J’avais des aventures, parfois plus d’une en même temps. Un soir, j’étais avec une femme au salon, nous buvions, nous rions, et il est apparu, efflanqué, immonde. La femme a crié, j’ai tenté de la rassurer, j’ai sommé l’olibrius de nous laisser, de ne pas violer ma vie privée. Il a ri, il s’est mis à raconter mes aventures des derniers mois, avec les noms des femmes, la couleur de leurs cheveux, de leurs sous-vêtements, même les paroles que j’avais prononcées et qui finissaient, on s’en doute, par se recouper un peu. J’étais d’ailleurs, justement, en train d’en répéter quelques-unes.

Horrifiée par l’intrus, outrée par ses propos, la femme s’est enfuie sans même un au revoir. J’ai traité l’odorant personnage de tous les noms, et il s’en est fallu de peu que je ne le frappe. Avant que je n’aie terminé de le rabrouer, il avait disparu sans que je ne m’en rende compte.

D’ailleurs, cela commençait à m’étonner grandement. Il arrivait souvent au mauvais moment, lorsque j’accueillais des gens, mais jamais je ne l’entendais arriver. C’était comme s’il apparaissait et disparaissait, tout simplement. Un fantôme.

Au début, je croyais qu’il se nourrissait en puisant dans mes réserves. J’ai donc tout calculé avec précision, j’ai pris des notes, des photos. Mais force a bien été de constater qu’il ne touchait jamais à rien. Où trouvait-il sa subsistance? Je ne le voyais jamais sortir de la maison, et il n’y avait rien dans sa chambre qui lui aurait permis de conserver de la nourriture, ou même d’en préparer.

Après l’expérience désastreuse avec cette femme effrayée par mon sale diable, j’ai pris des précautions. Je parlais bas, pour ne pas attirer son attention, et parfois je déplaçais un meuble devant la porte, pour l’empêcher d’entrer. Outre que cela avait pour effet d’inquiéter la dame, ça n’arrêtait jamais mon diable. Il surgissait à tous les coups, avec toujours le même résultat: cris et fuite de ma conquête.

C’était devenu invivable, ça devait cesser. Pour me débarrasser de lui, c’est simple, je devais me débarrasser de la maison. Puisque je ne pouvais la vendre, je la brûlerais.

C’était une vieille maison, les causes d’un incendie accidentel abondaient. Troubles électriques, fuite de gaz, foyer désuet, j’avais le choix. Idéalement, une destruction totale était préférable, mais une destruction partielle ferait aussi l’affaire, pourvu que la maison devînt inhabitable.

J’ai opté pour un trouble électrique dans le sous-sol. Il y avait tout un fouillis de vieux fils. J’ai empilé des vieux journaux, des cartons, de vieilles planches, bref, j’ai préparé le bûcher idéal qui s’embraserait en moins de deux. J’ai dénudé quelques fils, légèrement pour qu’on ne voie pas le travail, et j’ai provoqué des étincelles. Il m’a fallu une bonne centaine d’essais avant d’enflammer un bout de papier. Quand la flamme a grimpé, je suis monté à l’étage.

J’ai frappé à sa porte. Je voulais le chasser, certes, mais pas le griller. Il n’était pas là. J’ai eu beau courir d’une pièce à l’autre, impossible de le trouver. Rassuré, j’ai attendu que la fumée monte jusque dans ma chambre pour appeler les secours. J’ai failli me faire prendre à mon jeu, et me retrouver prisonnier des flammes. En quittant ma chambre, j’ai vu sa silhouette dans le corridor. Immense, immobile, qui me dévisageait d’un regard méchant. Je lui ai crié de se sauver, qu’il y avait le feu, et j’ai dévalé l’escalier. Quand je suis sorti, je toussais, je crachais, j’avais même le bas de mon pantalon en feu. C’était convaincant pour les badauds, et pour les pompiers ensuite, qui ont mis une bonne quinzaine de minutes à trouver la maison.

L’homme était resté là-dedans, alors qu’il aurait facilement pu s’en tirer. J’étais certain de ne pas l’avoir vu sortir, et tous ceux à qui j’ai posé la question m’ont assuré n’avoir vu personne d’autre que moi sortir de la maison.

Le lendemain, la maison n’était plus qu’un tas de bois calciné et de cendres. Cause officielle de l’incendie: défectuosité électrique. Les secouristes ont remué les cendres, à la recherche de l’homme, mais en vain. J’ai eu beau insister, ils étaient catégoriques. Personne n’a péri dans l’incendie.

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Les mollets bourgeois

Ma chienne Lena est morte, mais j’ai gagné le pari. Avec Nicole, nous avions parié mille dollars sur la tête de nos chiennes respectives. C’était à celle qui mordrait le plus de mollets bourgeois entre le 1er janvier et le 31 décembre. Rationnellement, nous nous étions entendues pour déterminer ensemble l’identité des victimes. Car, primo, tous ne sont pas bourgeois, et secondo, tous les bourgeois ne valent pas une morsure. Il nous fallait du bourgeois bien en vue, bien riche, avec plein de pouvoir dans les poches, et des poignées de main du maire, et des invitations chez les Grivin, qui possèdent tout dans cette ville. Et dans celle d’à côté aussi.

Nos chiennes sont dressées, mais ce n’est pas toujours simple de leur désigner le mollet à mordre. Idéalement, il fallait s’approcher suffisamment pour que la chienne sente la cible. Moi, je chuchotais à Lena, c’est lui, subrepticement. Elle savait ce dont il s’agissait. Nous nous éloignions alors, et je me plaçais bien à l’abri des regards et des soupçons, et je répétais à l’oreille de Lena, c’est lui, go! Comme une flèche, elle courait jusqu’à la cible, mordait un bon coup, et revenait en deux secondes vers moi. Nous nous éclipsions aussitôt. Si Lena mordait le mauvais bourgeois, je perdais un point. J’en ai perdu deux seulement. Nicole en a perdu cinq. J’ai terminé l’année avec dix-sept points, Nicole avec quinze. Sa chienne a survécu, pas la mienne. À la dernière morsure, une tricoteuse qui passait par là a jeté son châle sur Lena, qui s’est empêtrée dans les mailles. Un flic l’a sauvagement attrapée, la pauvre criait de douleur, et l’a attachée jusqu’à ce que les employés de la fourrière la récupèrent. J’ai bien songé la réclamer, j’aime Lena plus que ma mère, mais comme la Justice voulait accuser, écrouer, vilipender, j’ai gardé mes distances. Une semaine plus tard, ils l’ont euthanasiée. Les barbares.

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Mon voisin, un être heureux, mais monstrueux

Je vais vous dire ce que mon voisin a fait. Vraiment. Mais pour éviter qu’il n’intente un procès en diffamation contre moi, et même pire, oh j’en tremble, je lui attribuerai un autre nom. Évidemment, je préciserai qu’il s’agit d’une fiction, une courte nouvelle, donc pas de problème, je suis protégé, inattaquable.

Donc, le titre sera: Mon voisin, un être heureux, mais monstrueux. C’est tout à fait lui. Regardez-le, en ce moment. Assis dans son transat, une bière à la main, qui rit aux éclats. Il y a sa copine, mais ce n’est pas avec elle qu’il rigole, c’est avec une personne au téléphone. Mon voisin connaît beaucoup de monde, partout. Il a des amis en haut lieu, ce qui lui permet d’éviter la justice. Car mon voisin, Rodrigue, vole et assassine. Oui mesdames, oui messieurs. Je ne sais plus combien de cadavres j’ai vu sortir de sa maison, la nuit. Jamais osé prendre des photos, par crainte de finir cadavre moi aussi. Pas question non plus de le dénoncer ouvertement, ça se retournerait contre moi. J’ignore qui il assassine, et pourquoi. Des femmes? Des hommes? Les deux? Et pourquoi le faire dans sa maison, avec un voisin comme moi qui peut très bien le surveiller, se rendre compte, qui pourrait le dénoncer sur la place publique ? S’il n’avait pas si peur. Mais il a la frousse, le voisin. Oui, j’en tremble. J’ai songé à déménager, mais ça attirerait les soupçons, et on me retrouverait. Il a le bras long, et brutal. Je suis fait, je suis cuit, condamné à l’observer dépouiller ses victimes, et à les rejeter dans je ne sais quelle fosse. Les gens entrent chez lui, j’ignore comment il les attire. Ils roulent tous dans de belles bagnoles qui valent dix fois le prix de la mienne, et au petit matin, leur cadavre est déjà loin, et la bagnole a disparu. J’imagine qu’il trouve aussi le moyen de puiser dans leurs comptes en banque. Rodrigue est né à New York, a grandi à Paris, et il vit ici depuis dix ans, trois mois, deux semaines. Chaque fois qu’il me voit tondre le gazon, il agite la main, me parle de voisin à voisin, avec un air détaché qui me scie. Je lui rends son salut, je hoche la tête, mais j’arrive rarement à articuler le moindre mot. Parfois une onomatopée, la plupart du temps quelques sons indistincts, animaux. Avant l’arrivée de Rodrigue, je commençais à m’enrichir. Ça a continué encore quelques années, jusqu’à ce que je découvre son manège. Alors, on s’en doute, j’ai arrêté sec, cessé toute activité enrichissante, j’ai même réduit progressivement ma fortune. Pas question d’attirer son attention et sa convoitise, pas question de me valoir une invitation chez lui. Ma femme ne partageait pas ma prudence, et notre relation a commencé à toussoter. Elle est partie avec la moitié de ce qui me restait de fortune, et les enfants. Au juge, elle a déclaré que j’étais fou. Et le juge, qui n’était pas une juge, l’a crue, et j’ai eu tous les torts. Je n’ai pas rouspété, oh non, parce que ça m’arrangeait. Cette réduction brutale de fortune me rendait encore moins intéressant pour mon voisin Rodrigue, ça me donnait une sécurité supplémentaire. Depuis que je vis seul, je m’appauvris d’année en année, et mon toit coule. Quand la maison tombera en ruine, quand tout s’écroulera, quand je serai ruiné, alors on me chassera. Bureaucratiquement. Je protesterai, je crierai que je veux rester, je m’arracherai les cheveux. Rodrigue comprendra que je ne pars pas de mon gré, que je ne représente pas une menace pour lui. Alors, alors enfin, je pourrai aller couler des jours paisibles à l’autre bout du monde.

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Un ami, c’est plus qu’un curé

Avec le temps et les voyages, j’ai perdu tous mes amis. Tous, sans exception. Les uns après les autres, ils ont quitté le village où je suis né. J’ai quitté le village où je suis né. J’aurais pu me faire de nouveaux amis dans cette ville où je travaille, une véritable jolie petite ville avec de belles demeures, des jardins à faire rêver, une rivière qui coule au milieu de tout ça. Une ville vraiment mignonne sur les photographies, une ville comme on en voit peu. Mais une ville sans âme. Ici, après vingt-deux ans, on m’appelle encore Jacques l’Étranger. Les gens sont polis, ils ne vous insultent pas en public, ils ne vous lancent pas d’œufs ou de pierres. Le garagiste, par exemple, m’accueille toujours par un Bonjour Monsieur Létranger, on vous sert un café? Pourtant, sur la facture, il voit bien que mon nom est Dutour, pas Létranger. À quoi bon. Mes collègues sont plus raisonnables, ils m’appellent Jacques, et m’oublient dès qu’ils sortent du bureau. Je déteste mon travail, mais il rapporte, il rapporte plus que je n’aurais jamais espéré gagner. Je thésaurise, et quand j’aurai quarante ans, je filerai vers le sud vivre dans une cahute quelque part où les gens de mon espèce se rassemblent. Comment pourrais-je me lier avec ces gens du bureau, comment se lier avec des gens qui aiment, mais profondément, ce travail abrutissant.

Alors.

Quand il est apparu, cet inconnu, Antoine, qui m’a appelé Monsieur Dutour, qu’il m’a parlé de ses voyages, de ses aventures, quand il m’a écouté, eh bien je n’ai pas pu résister. Nous nous sommes liés, nous sommes devenus copains, j’avais trouvé un ami. Nous avons pris l’habitude de boire ensemble deux ou trois soirs par semaine, nous jouions au tennis, et il nous arrivait d’aller pêcher dans la rivière. J’ai connu quelques femmes, grâce à lui, oh rien de sérieux, rien de conséquent. Je me suis marié avec l’une, je l’ai trompée avec l’autre, j’ai vite repris le drapeau du célibat.

J’ignorais, jusqu’au mois dernier, qu’Antoine tuait des hommes obèses. En série. Il ne m’en avait jamais parlé, il ne m’a jamais invité à me joindre à ses exploits. Ses crimes, oui, bien sûr, c’est ce que je voulais dire, ses crimes. Jamais un mot là-dessus, totale discrétion. Évidemment, le mois dernier, quand je suis arrivé chez lui à l’improviste avec une bouteille de Bordeaux, je me suis questionné sur tout ce sang. Ses mains, ses vêtements, il y en avait plein le lavabo. J’ai bien vu qu’il était contrarié alors j’ai promis, oui, que je n’en parlerais à personne. Il m’a raconté qu’il s’agissait d’un type énorme, qu’il n’y avait pas forcément de motif, que ça lui permettait simplement de faire le vide, de se régénérer, c’est ce qu’il m’a dit. D’accord, il a mentionné qu’il y en avait eu d’autres, mais il n’a pas précisé le nombre ni les identités, forcément. Et je ne l’ai pas interrogé. Je ne suis pas un flic, je suis son ami, et je n’allais certainement pas jeter tout cela à la poubelle pour un accroc. Oui, un crime, oui. Mais quand on a un ami, quand après des années il s’en trouve un pour vous sortir de l’hébétude, on s’y accroche et surtout, on ne trahit pas. On ne trahit jamais un ami, quoiqu’il ait à se reprocher. Voyez-vous, j’étais comme ces types d’autrefois, les curés, qui écoutaient sans broncher tous les méfaits des quidams, j’étais son confesseur. Un ami, c’est beaucoup plus qu’un curé.

Complice?

N’employons pas les gros mots, voulez-vous? Vous m’enlevez le seul ami que je n’aie eu depuis deux décennies, et vous vous absorbez dans des détails administratifs! Complice! Que vaut l’amitié, à vos yeux? Sans-cœur. 

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