Je suis dans le sous-sol, et je pense au gouvernement, je pense à mes contemporains, je vois les nouvelles défiler sur l’écran de mon téléphone, et après bien des hésitations, je décide de changer le monde. Maintenant.
Première étape: écrire le manifeste qui ébranlera les certitudes et redonnera espoir.
Deuxième étape: rassembler ceux qui cliqueront sur j’aime.
Troisième étape: agir.
Ça me semble plutôt simple. Personne n’y a pensé?
Il me fallait une canicule pour inventer ce plan génial. Efficace.
J’avais chaud, je suais. Trop. J’ai abandonné le rez-de-chaussée et son confort, pour me réfugier dans le sous-sol, malgré les araignées et les petites bêtes rampantes. Ici, la canicule n’existe plus, le climat est redevenu normal, le bonheur est à nouveau possible.
Le manifeste, donc. Commencer modestement. Citoyens de ma rue. Mais gardons nos visées globales, soyons ambitieux. Citoyens de ma rue et peuple de la terre, ensemble nous changerons le mon…
Zut. Mon clavier!
Je dois griffonner avec ce moignon de crayon.
Mon clavier ne fonctionne plus, à moitié. Je peux taper la moitié des lettres, qwerty en descendant, mais uiop en descendant ne donnent plus rien. Je ne pourrai pas écrire un manifeste s’il me manque autant de lettres. Ce serait incompréhensible.
Ce doit être l’humidité. J’aurais dû y penser. Faudra maintenant que j’achète un nouveau clavier, mais je n’en ai pas les moyens. Pas avant le mois prochain. Trop de factures en retard. Comme l’électricité.
Remettons ce manifeste à plus tard. Il sera toujours temps de changer le monde, dans quelques semaines, dans quelques mois, ou à une date ultérieure.