Tout ça a commencé le 7 juillet. Je marchais sur la promenade le long du fleuve, seul, joyeux. Il y avait des couples, des personnes seules, des vieux, des familles, des échantillons d’à peu près tout. Soudain, je l’ai vue. Elle. Une femme fantastique. Incroyable. Bouleversante. Elle avait, comment dire, de ces cheveux, oh, de ces cheveux! Comment vous la décrire davantage? Les mots me manquent. Elle avait de ces oreilles, et un front, des joues, et de ces lèvres, des sourcils, elle avait aussi un cou, des épaules, oui des épaules, et des bras, deux, parallèles, et un torse, mais quel torse, et un bassin, des cuisses, parallèles aussi, tout comme les tibias. Et quoi d’autre? Ah oui, bien sûr, des pieds. Alors, vous voyez? Vous comprenez? Incapable de résister, de réfréner mon élan, je me suis approché d’elle lentement, sourire numéro deux accroché au visage, et au moment où j’allais lancer ma phrase d’amorce, elle a sauté par-dessus la balustrade et s’est jetée à l’eau! J’ai crié, d’autres passants ont crié, mais en bas, dans le fleuve, elle a agité un de ses deux bras, pour nous montrer que tout allait pour le mieux, et elle s’est mise à nager vers l’autre rive, doucement, avec une grâce et une assurance qui m’ont rassurées. J’ai donc poursuivi ma promenade, tout de même triste du dénouement. Je l’aurais bien suivie, mais je nage si mal, que j’aurais probablement coulé avant de pouvoir lui exposer les motifs de mon approche. Mourir d’amour, oui, mais pas sitôt. Le lendemain, à la même heure, je me promenais à nouveau. J’étais joyeux, je marchais la tête haute. Contre toute attente, elle, la femme aux cheveux, aux oreilles, au front, aux joues, aux lèvres, aux sourcils et le reste, était là, exactement au même endroit. Sourire numéro trois, celui des occasions qui méritent qu’on les souligne, comme la rencontre d’un ami au lendemain d’une victoire au cent mètres, je m’avance vers elle, d’un pas déterminé, comme si je la connaissais déjà. Notre presque rencontre de la veille m’en donnait, à tort probablement, le sentiment. Donc, me voilà qui arrive sur elle, mais au moment où je suis à deux mètres d’elle, hop, elle saute à nouveau par-dessus la balustrade, et dans la flotte! Eh bien! Je l’ai regardée crawler, stupéfait, peut-être encore plus que la veille. Comment expliquer ce comportement? Je ne le saurais. Le lendemain, nouvelle promenade, je la vois à nouveau, mais par prudence, je m’approche discrètement, de biais, essayant de ne pas attirer son attention. Comme elle regardait dans la direction opposée, je me suis dit que cette fois je pourrais l’atteindre avant qu’elle ne plonge. Eh bien non. Quand j’ai atteint un peu moins de deux mètres, elle s’éclipse une fois de plus, gracieux saut dans les eaux grises du fleuve. Ma foi, j’étais abasourdi. Comme cette femme fantastique, incroyable, bouleversante, plongeait systématiquement à mon approche, une sorte de lien s’était créé entre nous. Nous étions de plus en plus près, l’un de l’autre. Du moins, je le croyais. Que faire? J’ai réfléchi, et ai compris que la seule façon de m’approcher à moins de deux mètres d’elle pour plus d’une fraction de seconde, était de plonger moi aussi. Voulant éviter la noyade, qui rendrait le plongeon définitif et inutile, je me suis donc muni d’une bouée. Orange. Le quatrième jour donc, j’étais déterminé. J’ai saisi ma bouée, et dès que je l’ai vue, je me suis mis à courir vers la balustrade. Mon objectif était de parvenir à sauter en même temps qu’elle, afin de toucher l’eau dans un splash commun. Ce serait, rêvais-je, comme notre mariage. Donc me voilà qui court, et hop par-dessus la balustrade, et plouf dans l’eau. Froide. Et tout de suite, j’avale une bonne tasse, mais je me ressaisis, je remonte à la surface. J’ai perdu ma bouée. J’aurais dû l’attacher avec une corde. Mais surtout, à mon grand étonnement, ce jour-là, elle n’a pas sauté. Elle était là-haut, je l’ai bien vue, avec d’autres passants, qui me regardaient me débattre, horrifiés, appelant à l’aide, me criant de tenir bon. J’ai tenu plutôt mal. On m’a repêché peu de temps après, inanimé. Deux kayakistes. Manoeuvres de réanimation, j’ai crachoté l’eau grise, j’ai survécu. Puisque je vous raconte. Sauf que par précaution, on a tenu à m’emmener à l’hôpital. Lorsque ma survie a été assurée, le médecin des urgences a laissé sa place à un psy, qui a refusé de me donner mon congé, surtout après avoir entendu mon histoire. Il était persuadé que j’avais voulu m’enlever la vie! Quelle idée, alors que c’est une histoire d’amour, tout cela! Mon histoire d’amour! Ça fait quelques jours, ou peut-être quelques semaines, que je suis ici. Personne, m’a annoncé le psy, n’avait jamais vu une femme plonger dans la rivière. Les policiers ont enquêté. Comme je maintiens ma version des faits, on craint que je ne récidive, si on me libère. Alors j’ai décidé de partager mon histoire sur les réseaux sociaux, dans l’espoir que la femme avec les cheveux, le cou, les bras parallèles et les tibias parallèles, se manifeste, et vienne me libérer. J’en profite pour l’embrasser, tendrement, et lui dire qu’elle pourra emménager chez moi quand elle le voudra.
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Débris
Quand j’ai reçu ce coup de fil, j’ai eu peur, j’ai paniqué.
C’est qu’il en a fallu des années pour que le calme revienne dans cette maison. Au début, ce sont les murs qui remuaient. Toutes les nuits, les murs se déplaçaient et ça faisait tout un boucan, impossible de dormir. Mon fils se réveillait en pleurs, mon chien aboyait de minuit à quatre heures. Je ne compte plus les nuits où les voisins ont appelé les flics. J’avais beau leur expliquer, à propos des murs, mais ils ne m’écoutaient pas. Je n’ai pas trop insisté, je voyais bien qu’ils finiraient par m’enfermer. Car j’étais la seule témoin du phénomène, et chaque fois que j’ai voulu filmer la chose, évidemment ça s’arrêtait.
Quand les murs ont cessé de valser, je me suis dit que ça y était, que notre vie ressemblerait à une vie. Mais ça n’a pas duré. Ça ne dure jamais, avez-vous remarqué? Après les murs, ce sont les planchers qui se sont mis de la partie. Ça se passait encore la nuit, mais pas toutes les nuits, heureusement. La première fois, j’ai entendu des bruits de succion un peu partout dans la maison, comme si une bête énorme nous déglutissait. Je me suis levée en vitesse pour m’assurer que mon fils était en sécurité, mais je n’ai pas même eu le temps de me rendre à la porte de ma chambre. Le plancher m’a absorbée, d’un coup. Le parquet, les planches, les poutres en dessous, tout s’était transformé en une sorte de matière gélatineuse. Ça ne se voyait pas à l’œil nu, mais dès que vous y posiez le pied, vous étiez absorbée. Combien de nuits me suis-je retrouvée ainsi au sous-sol! Impossible de remonter avant le petit matin, à cause de cette foutue gelée. Alors je me réfugiais dans la salle de jeux, qui donne directement sous la chambre de mon fils, et je surveillais son sommeil d’en bas. Si jamais il s’était levé, si le plancher l’avait absorbé, j’aurais été là pour l’attraper. Heureusement, contrairement aux murs, les écarts des planchers ne l’incommodaient pas. Il dormait comme un petit prince.
Après les murs et les planchers, il y a eu les meubles parlant, les plafonds ouvrants, le toit soufflant. Là, je vous entends d’ici me demander, pourquoi ne pas avoir déménagé? J’ai déménagé. J’ai déménagé dès l’époque des murs valsant, mais ça n’a rien changé. Les nouveaux murs valsaient aussi. J’ai déménagé durant l’époque des planchers gélatineux. Les nouveaux planchers m’absorbaient tout autant. Vous voyez, j’ai fini par comprendre que ces phénomènes, c’est mon être, quelque chose d’incompréhensible en moi, qui les provoquais.
Toutes ces années! C’était à n’y rien comprendre, et j’en serais devenu complètement dingue s’il n’y avait pas eu mon fils.
Un jour, sans raison, tout s’est arrêté. Les nuits ont recommencé à s’écouler tout doucement, comme lorsque j’étais jeune. Oh, comme j’ai dormi alors! J’avais des années de sommeil à reprendre, tant de fatigue à chasser de mon corps meurtri.
Aujourd’hui, mon fils est heureux, il entrera à l’Université en septembre. J’ai rencontré Lukilou, lui et moi c’est le grand amour. Il vit maintenant avec nous, dans cette maison, petite, mais coquette, près de la rivière.
Un jour donc, au milieu de ce petit bonheur, le téléphone sonne, je réponds, une voix inconnue qui m’assure m’avoir connue il y a trente ans, à l’époque où je vivais rue Laurier. Il y a trente ans! À l’époque, je n’avais pas de sol sous les pieds, j’avais des dizaines d’amis, je souhaitais que ma vie, jamais, ne commence vraiment. Trente ans. Pauvre type. Si tous les gens de ce temps-là m’appelaient, on n’en finirait plus!
Lukilou m’a serré dans ses bras, il le fait comme personne. Il m’a suggéré de rassembler tous les débris, les murs, les planchers, les meubles, les plafonds, le toit, et d’écrire cette vie. Juste pour lui. Même mon fils a trouvé que c’était une excellente idée. Alors, je crois bien, oui, que je le ferai.
Il n’y aura jamais rien
Je me suis abandonné à cette main inconnue, puisque j’avais perdu tous mes tickets d’autobus, tous mes plans, tout mon temps, oh combien de temps. Rues froides, désertes, grises. Pourtant une chaleur montait, m’enserrait les jambes, tourbillonnait dans mon ventre. Je reconnaissais ces rues, je le crois, du moins elles ressemblaient à celles de jadis, à celles où il était encore permis de rêver. Mille visages, une foule, et une voix, une harpe quand je marchais sur la neige, sur la glace.
Cette main aurait pu m’entraîner jusqu’au fleuve, je l’aurais suivie partout, j’aurais monter derrière elle tous les escaliers, j’aurais visité toutes les maisons où sa fantaisie l’aurait portée. Aveugle. Sans mémoire, sans nouvelle mémoire, porté par une seule mémoire, une seule à jamais, au son de la harpe, d’un violoncelle maintenant et peut-être encore de la voix, si claire, si haute, si blonde.
Quel est ce lieu, j’ai perdu la main, elle m’a échappé dans la pénombre. Je me cogne à des meubles, des comptoirs, et malgré ce brutal abandon, toujours cette chaleur qui me tire des larmes. Cette voix.
Mes yeux apprivoisent la nuit, sautent comme des enfants fous, innocents malgré le froid que je sais là mais qui ne m’atteint pas. Une grande pièce, un espace où s’entassent des bandes magnétiques, des vinyls, des disques compacts. Un musée? Un musée déserté par ses fantômes car je suis bien seul, je le sais, je le sens. Barreaux aux fenêtres, chaînes aux portes, me voilà prisonnier, apaisé mais pris au piège.
Au mur une peinture, je crois reconnaître la femme, impression d’avoir déjà vu l’homme, et derrière, sont-ce des enfants, ou peut-être seulement leurs ombres mêlées à d’autres qui ressemblent à des animaux, chiens, chats, un cheval peut-être. Quelle est cette curieuse scène? Si je pouvais l’éclairer, je m’assiérais pour l’étudier, l’ausculter jusqu’à en connaître chaque coup de pinceau. Dans cette pénombre, que puis-je espérer? Si je pouvais éclairer, mais je ne cherche pas l’interrupteur, je ne cherche pas de chandelles.
Entre les barreaux je vois tomber la neige, comme je la voyais tomber autrefois, ces soirs sans vent où les lourds flocons dansaient au-dessus des têtes qui croyaient bêtement à l’éternité. Mon corps finira peut-être par geler, malgré l’étrange chaleur qui ne me quitte pas, qui ne me quittera jamais.
On finira bien par me trouver, par me libérer. Il y a toujours un gardien dans ce type d’immeuble, il y en aura un dans cette phonothèque abandonnée. Quelqu’un viendra peut-être écouter les voix qui dorment dans ces milliers d’enregistrements, et j’aurai enfin découvert une âme à qui raconter mon aventure. Je sais que la main ne reviendra pas, je le sais, et si elle revenait ce serait pour m’égarer.
Si on me savait ici, quel scandale! Il en faut peu, parfois. Remuer toute cette poussière sur les disques, sur les pochettes des vinyls, sur les comptoirs où dorment des empreintes qu’ont oubliées depuis longtemps celles qui les y ont laissées, ceux qui les y ont laissées.
Je crois avoir vu les personnages de la peinture bouger. La femme s’est penchée vers moi, et le mur a tremblé. L’homme a voulu la retenir, mais elle a perdu l’équilibre et s’est effondrée au sol, à quelques pas. J’ai à peine eu le temps de tendre le bras, de toucher sa jambe de mes doigts bleus, que tout s’est assombri, et mon corps paralysé s’est mis à aspirer toute la poussière du temple.
Mais il n’y a pas rien. Il n’y aura jamais rien. Jamais, même si je m’en approche.
Une pince à épiler
Oui, je sais, chez toi, tout le monde est bienvenu, on le dit, on le répète, mais je n’irai pas, je n’entrerai pas, tu ne trouveras jamais rien pour m’appâter, mon idée est faite, je préfère rester loin de toi, mais bien portant. Ton grand-père est entré, tu l’as transformé en soldat de plomb, que tu as exposé sur la tablette de la cheminée. Ta grand-mère, tu en as fait un cendrier, et honnêtement, je me demande pourquoi, tu ne fumes pas, et on dit que tu n’acceptes pas qu’on fume sous ton toit. Alors, visiblement, quelque chose ne tourne pas rond, c’est pas comme partout, c’est pas comme chez Rose, qui ne sourit jamais, mais d’où nous sortons toujours rayonnants. Que sont devenus tes deux frères, ta sœur? On dit que tu caches la moitié de la ville dans les coffres de ton grenier. Statuettes, pendentifs, chandeliers d’argent, assiettes décoratives, théière damasquinée, soupière de porcelaine de Limoges qui n’est pas sortie de Limoges, on le sait, et quoi d’autre encore? Des tonnes de livres, de disques, des couteaux, des armes à feu, un sabre, des dentelles maintenant jaunies. Est-ce vrai que le maire, pas celui qui règne en ce moment, mais le prédécesseur de son prédécesseur, gît au fond d’une caisse de planches sous la forme d’une pauvre truite en tôle? Chez toi, les destinées prennent des allures de cauchemar, je ne suis pas le seul à le penser, même si je suis peut-être le premier à te le dire. Un pas de plus, je sais, et je suis bon pour rejoindre ton bazar, tu m’époussetteras peut-être pendant quelques jours, peut-être plus, si je suis chanceux, et tu m’oublieras bien vite, à jamais. Et qu’y aura-t-il pour moi? Une fraction de seconde dans tes bras, une fraction de seconde à ne plus avoir à imaginer ce que c’est que de t’embrasser, de t’étreindre? Vois, je détourne le visage, je retourne d’où je viens, je ne te reverrai plus, je pars et je me sens déjà libéré. Tant que je parle, tant que je te refuse le moindre mot, je suis sauf. Quand je serai loin, je rirai bien de toi, car je ne remettrai plus jamais les pieds dans cette ville maudite, ta ville, comme chacun sait. Et bonjour madame, bonjour monsieur, tous ces gens qui me regardent de haut, de travers, de côté, on n’aime pas les gens qui raisonnent sur la place publique, mais je ne me tairai pas, du moins, pas tant que je serai suffisamment loin pour ne plus apercevoir les cheminées de ton manoir. Car si je me taisais, tu vaincrais, je ne serais plus qu’une tasse, un stylo ou une pince à épiler.
Déroutante Sylvia
Elle est apparue entre deux rayons de soleil, j’ai à peine eu le temps d’allonger le bras, de l’attraper par le collet pour la ramener parmi nous. Évidemment, elle m’a demandé pourquoi, je n’ai pas répondu, alors elle m’a raconté son histoire. Née dans un pays de sable et de vent, elle a des cheveux qui tournent autour de sa tête, les gens de chez elle ont peur d’elle, ils l’ont battue, chassée, oubliée. Elle ignore pourquoi elle a dérivé par ici, peut-être l’a-t-on poussée, emmenée, mais qui, quoi, elle nous dit qu’elle n’en sait rien, n’a rien vu, le temps a tordu l’espace, ce qu’elle est devenue, elle n’a pas encore eu le temps de le découvrir, même si elle nous le montre sans hésiter, mais peut-être a-t-elle oublié qu’elle pourrait hésiter et nous tourner le dos. Elle est jeune, elle m’a dit qu’elle était jolie, comme toujours je veux bien croire ce qu’on me raconte, faire semblant, hocher de la tête, j’adore les jeux et je joue à merveille, et ça ne fait pas cinq minutes qu’elle est là, nous avons déjà une histoire, il y a déjà quelque chose qui s’appelle nous, du moins c’est le mot qu’elle emploie depuis quelques secondes, elle le répète, même si je lui ai dit que c’était une incantation qui porte malheur, que tout finira bien par s’éclaircir, que des troupeaux de concitoyens se chargeront, ça ne tardera plus, de tout découper en petits carrés, qu’ils classeront là où ils le pourront, ils n’exigeront pas de façons particulières pour agir, non, car la simplicité est leur mot d’ordre, ils le répètent chaque fois, je le répétais aussi quand j’étais l’un d’un, et j’étais l’un d’eux il y a à peine quelques instants. On ignore si je le serai à nouveau, éventuellement, quand ce nouveau nous nous échappera, quand elle repartira entre deux rayons de soleil et que je resterai sur le pavé, à l’ombre des frênes et des vieilles pierres, dans l’humidité étouffante d’une vie qu’on m’a léguée, c’est ce qu’on m’a annoncé, parce qu’elle était disponible, prête à servir, mais comment s’en servir, comment continuer ou commencer à s’en servir si elle repart? J’espère qu’elle n’exigera pas, en retour, de connaître mon histoire, je lui mentirais, car on ment, et ce serait absolument pire, quelque chose comme une fin de monde, un éveil brutal aux allures d’amnésie.
Heureusement qu’il y a Rose et Joey
JOANIE: Les belles histoires d’amour, ça existe.
RONIE: C’est vrai.
JOANIE: Regarde Rose et Joey. Le parfait amour. Ils se sont rencontrés à la plage il y a cinq ans. L’été, les vacances, le soleil. Rien de plus romantique. Amour, amour, tout l’été. Ça aurait pu s’arrêter là, mais non. Ne se sont jamais quittés. Pas merveilleux, ça? Lui, fils d’industriel, elle, fille de ma tante Josée.
RONIE: Quel bel exemple, ma chère Joanie!
JOANIE: Ces deux-là, c’est un destin divin qui les a appareillés. Je rêve encore d’un amour aussi rond, aussi solide, aussi jaune.
RONIE: Et vert.
JOANIE: Oui, vert. N’est-ce pas une merveille!
ROANIE: Ta cousine Rose, toutes les femmes l’envient! Elle nourrit son amour pour Joey en se découvrant un nouvel amant tous les quarts de lune!
JOANIE: Elle les effleure à peine. C’est moins qu’un souffle de mouche sur la peau. Une délicieuse délicatesse.
RONIE: Elle les esquinte, elle a de la ressource.
JOANIE: Une femme remarquable. Rose, c’est l’altruisme même! Si tu voyais tout ce qu’elle fait pour les miséreux, les pouilleux, pour les vieux débiles qui s’ennuient à l’hospice, et à cela il faut ajouter la sauvegarde des baleines, des étoiles, des âmes égarées dans l’espace intergalactique, juste à l’orée du néant. Si tu voyais. Juste à l’orée du néant!
RONIE: On dit qu’elle les noie, ses amants, comme des chatons. Le sourire aux lèvres, une fleur dans les cheveux.
JOANIE: Pendant que nous, ma chère Ronie, nous! Tu nous as vues?
RONIE: Blonde et rousse, mais maigres. Grande et petite, mais laides. Arriverons-nous à nous déplacer, ne serait-ce que d’un pas?
JOANIE: Cette boue qui nous suce les semelles! Comment voler vers le grand amour, dans ces conditions, je vous le demande!
RONIE: Heureusement que Rose et Joey nous fabriquent du rêve. Oui. Sans ce rêve-là, je crois que je me laisserais avaler par la boue.
JOANIE: Jusqu’à disparaître. Incognito.
Décorum
C’est un procès couru par la presse et le public. L’accusé, un homme de trente-huit ans et deux mois, aurait tué trois femmes, deux hommes, un enfant. Détail particulièrement macabre, il leur aurait mangé le cœur. Six cœurs.
Malgré les talents incontestables de son avocat, tous prévoient une peine exemplaire. Le procès devant jury s’ouvre donc devant une salle comble, avide d’émotions tordues, malsaines. Le procureur se lève, explique au jury pourquoi l’accusé doit être reconnu coupable. Il expose les grandes lignes de la preuve qu’il entend présenter durant le procès.
Il expose, oui, mais au grand étonnement de tous, les mots lui manquent. Il se tait au beau milieu d’une phrase, suspendue dans l’air lourd de la salle d’audience, comme une balle lancée mais jamais retombée.
Étonnement, mouvements de fesses sur les sièges de bois, toussotements du juge. Le procureur est muet.
Le juge l’invite à poursuivre, rien n’y fait. Le procureur reste planté devant le jury, sans un geste, sans un mot, les yeux exorbités qui fixent ceux d’une des membres du jury. Puissante connexion. Tangible, inquiétante, longue et silencieuse. Folle.
Ulcéré par cet élan inapproprié, le juge tonne, frappe du maillet, sermonne et ordonne. En vain.
Dans sa cage de verre, le mangeur de coeurs frappe des mains et rit à gorge déployée. Le public manifeste son ahurissement par un brouhaha croissant, dans lequel se noie la voix du juge.
Soudain.
Comme sous l’impulsion de la corde d’un arc qui se détend, le procureur enjambe la rambarde derrière laquelle siègent les membres du jury, et s’élance dans les bras de celle qui a capturé son regard. Des chaises se renversent, des cris s’élèvent, et pendant que, enlacés et s’embrassant à pleine bouche, le procureur et la membre du jury s’abandonnent sur le sol, tous s’écartent, horrifiés, scandalisés ou amusés, selon leurs morales, sous les invectives du juge qui ordonne la levée de l’audience. Les gardiens ramènent l’avaleur dans sa cellule, et l’on prie les spectateurs et la presse de se retirer. Tous les membres du jury, sauf une, s’éclipsent par une porte, tandis que le juge, enrobé dans sa toge qui le fait trébucher, trottine vers la porte qui lui est destinée.
Tous ont bientôt déserté la salle, certains à contrecœur, et les portes sont verrouillées. Plusieurs nez s’écrasent dans les deux toutes petites fenêtres qui donnent sur la salle. On est curieux, excité, interloqué.
Au sol, sur un tapis usé par les semelles de milliers de membres de jurys, le procureur et la membre du jury ont perdu tous leurs vêtements, multiplient avec une agilité remarquable, et naturelle, les expressions de leur foudroyante passion.
À cause de ce bris du décorum, le procès devra reprendre à zéro. Chacun spécule sur le sort réservé au couple neuf.
Chasse au trésor
Je l’ai revue dans ce café où je vais tous les samedis matin. Je la connais bien, enfin, je la vois souvent. Elle travaille à la librairie où j’achète tous mes livres. Je ne lui ai jamais parlé, je n’ai jamais osé. Elle travaille dans la section Littérature jeunesse, et je n’ai jamais osé m’inventer un prétexte pour lui demander conseil. J’aurais pu m’inventer une nièce, une petite sœur, n’importe quoi aurait fait l’affaire, mais je ne joue pas bien. Alors je me suis contentée de lui sourire de loin, ou plutôt, de sourire de loin dans sa direction, comme si je souriais à tout l’univers dans un immense rayon au centre duquel elle se déplaçait.
Mais ce matin, elle était au café, assise à trois tables de moi. Elle lisait. Zazie dans le métro. Je ne connais pas. Moi, je lis surtout des romans de science-fiction, des romans d’aventure, de mystère et parfois d’épouvante. La littérature, vous savez ce qu’ils appellent littérature, m’ennuie. M’endort.
Elle était là, je n’osais pas la regarder, je risquais à peine un rapide coup d’œil de temps en temps. J’avais les yeux plongés dans mon propre livre, mais je n’ai tourné aucune page pendant trente-cinq minutes, incapable de lire, de me concentrer. Je perdais conscience de mon état, je m’imaginais suant à grosses gouttes, tremblotant comme une feuille d’automne, blanche comme une morte.
Ridicule, je me sentais grotesque, risible, en somme, plus sotte que jamais. Je devais me ressaisir, ou disparaître. Lui sourire, lui adresser la parole, ou ne plus jamais fréquenter ce café, sa librairie, ce quartier. Je me suis donc levée pour me rendre aux toilettes, question de respirer un peu, de m’éponger le front, les joues, de me ranimer le corps et l’esprit.
À mon retour, j’étais décidée. J’échangerais un regard avec elle, je me lèverais aussitôt pour lui demander de quoi il était question dans son livre, et le reste viendrait, s’il devait venir.
Mais elle n’était plus là. Partie. Sa table nettoyée, vide, luisante d’un néant inattendu.
J’avoue que j’étais secrètement soulagée, parce que je n’aurais pas à puiser dans mes rares ressources de courage, mais j’en aurais pleuré. Je me détestais, je maudissais mon hésitation. En me rasseyant, je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose sous mon livre. Je le lève, curieuse. Zazie dans le métro! Elle m’a laissé son livre!
Oh! Elle a tout compris à mon jeu. Depuis longtemps? Vite, l’ouvrir, chercher le message qu’elle m’aura laissé, son numéro, son courriel, son nom, un rendez-vous.
Rien. Pas même un signet pour m’indiquer une page, un passage qui m’aurait mis la puce à l’oreille. Faudra-t-il que je lise tout le livre pour comprendre? Est-ce que ce livre me donnera un indice, une piste?
Non. Si j’avais été dans sa situation, je n’aurais pas laissé tout un livre où trouver une révélation. J’aurais voulu quelque chose de plus direct, sans tout dire.
Mais quoi? Le nom de l’auteur? Elle s’appelle Queneau? Elle s’appelait peut-être Raymond, autrefois? Non. Plus personne ne s’appelle Raymond.
Le titre! C’est ça. Parions que c’est le titre. Si elle ne s’appelle pas Zazie, elle peut très bien m’attendre dans le métro! Oui! Elle est là! Elle est descendue dans la station de métro, juste à côté. Vite, payer, et filer. Pas une minute à perdre.
Heureusement, le samedi, ce n’est pas la foule. Je descends deux à deux les marches vers la station. Eureka! Elle est là, debout devant ce banc. J’agite la main pour qu’elle me voie, m’attende. Mais que fait-elle. Le métro arrive, elle s’avance, le métro s’arrête, les portes s’ouvrent. J’agite la main, je crie. Elle m’aperçoit, elle ne peut pas ne pas m’apercevoir! Elle s’engouffre dans le métro, disparaît.
Je suis à bout de souffle. J’ai couru, bien en vain. Je m’assois sur le banc où elle était il y a moins d’une minute. Un livre?
Elle m’a laissé un autre livre? Un autre indice? Je le retrouverai. Cette fois, de quoi s’agit-il? Une bande dessinée. La cordée du Mont-Rose. Qu’est-ce que c’est? Station Mont-Royal? Mont-Rose, Mont-R, comme dans Mont-Royal. Logique. Elle a tout prévu, tout prémédité.
Station Mont-Royal. Personne. Peut-être à l’extérieur? Non. Où est-elle? Impossible que ce soit une fausse piste.
Si ce n’est pas Mont-Royal, c’est quoi? La cordée, comme dans Lacordaire. Il n’y a pas de station Lacordaire. Alors? Mont-Rose, Rose-Mont. Voilà! Rosemont!
Je saute dans le prochain métro, je suis tout de suite à la station Rosemont. Elle est là. Oh, l’excitation monte! J’adore cette chasse à indices.
Est-ce que c’est bon, maintenant? Elle m’attendra?
Elle jette un sac à la poubelle et monte l’escalier en courant. J’ai beau m’élancer, mais à l’extérieur, elle s’est déjà éclipsée. Pourtant? Je jette un coup d’œil dans toutes les rues autour. En vain.
L’indice est dans le sac qu’elle a jeté. Je me précipite jusqu’à la poubelle, j’y plonge la main sous le regard méprisant des passagers qui sortent du métro.
Un nouveau livre. Le sol. Sous-titre: Une merveille sous nos pieds. Oh la la. Celle-là ne sera pas facile. Sol? Boutique de musique? Je connais la boutique La clef de sol à Québec, mais pas dans Rosemont. Il n’y a pas de disquaire, pas de luthier, rien. Rien non plus qui soit lié à l’agriculture ou au jardinage. Peut-être un jardin communautaire? J’en doute. Alors quoi? Sol?
Une petite recherche sur internet, voilà. Sol, Rosemont. Qu’est-ce que ça donne? Un article sur le sol de Rosemont, des logements à louer, bref, rien de précis. Cherchons Sol, Montréal. Voyons. Rien de mieux. J’espère qu’elle m’attendra. C’est ridicule, je dois trouver.
Je sais! Demandons sur Facebook. Il se trouvera peut-être quelqu’un pour m’aider. J’ai une énigme à résoudre et j’ai besoin d’aide. Mes indices sont: Sol – Rosemont – Une merveille sous nos pieds.
Attendons. À cette heure-ci, ça ne devrait pas être long. Voilà. Un sous-sol d’une maison dans Rosemont. Passons. Fouilles archéologiques dans Rosemont? Il n’y en a pas. Tiens, maman. Que va-t-elle me sortir! La bibliothèque. Qu’est-ce qu’elle raconte? Maman, de quoi parles-tu? Comme elle déraille, parfois! La bibliothèque Marc Favreau. Marc Favreau, c’était Sol, le clown. Tiens. Connais pas. Cherchons Marc Favreau. Qu’est-ce que ça dit? Mort en 2005, pas étonnant que je ne le connaisse pas. Principalement connu pour son personnage de Sol. Mais elle a raison. Tu parles d’un nom pour un clown!
La bibliothèque est juste là, je la vois d’ici. J’y cours, j’y vole.
Elle est là! Je tremble. Elle vient vers moi. Tout va bien se passer. Mon cœur qui s’affole. Respirer. Respirer. Quoi? Que me dit-elle?
Vous comprenez ce que je vous dis? C’est le concours mensuel de la librairie Champignon! Vous vous y êtes inscrite, et vous avez été choisie! Félicitations! Vous êtes la première à résoudre les trois énigmes. Voici votre bon d’achat, cinquante dollars. Félicitations!
Cinquante dollars? Comment ai-je pu oublier ce concours! Elle s’en va? Déjà? Je tremble. Étourdie. Sonnée. Je ris, je pleure.
Un concours!
J’achèterai cinquante dollars de livres dans la section Littérature jeunesse! Je relirai Harry Potter s’il le faut, mais je lui dirai bonjour toutes les semaines.
Chut!
Ils s’éveillent près d’un ruisseau, comme dans la littérature. L’eau lance ses petits couteaux d’argent, les lourdes feuilles pendent paresseusement au-dessus des flots, quelques truites gobent des patineuses.
Elle le regarde dormir, l’air de se demander depuis combien de temps dure ce sommeil. Le sien vient à peine de s’achever. Elle sourit, caresse ses cheveux qui s’emmêlent sur ses épaules nues.
À son tour, le voilà qui ouvre les yeux. Il touche le bas de sa robe qui traîne dans l’herbe, respire à grands poumons cette belle journée.
Il ouvre la bouche, mais d’un geste vif elle lui pose le doigt sur les lèvres, et aussitôt s’étonne de son geste, regarde ses mains, recule.
Il s’assied en s’appuyant contre le tronc d’un chêne, observe cette femme que les herbes, les fleurs et les arbres ont adoptée. Lydia, je connais ton nom sans que je ne sache pourquoi, sans mémoire.
Elle pousse un petit cri, tord ses lèvres de douleur. Elle se tient la main droite, ensanglantée. L’index et le pouce manquent. Ils gisent dans l’herbe, à quelques centimètres d’elle.
À la vue du sang, l’homme se précipite vers elle. Laisse-moi t’aider. Laisse-moi te bander la main. Que s’est-il passé?
Mais au même moment, horrifié, il observe la main de Lydia se sectionner, comme si un sabre invisible la sectionnait. Des larmes montent aux yeux de la jeune femme, impuissante. Chut! S’il te plaît, Edgar, ne parle pas.
De sa main encore valide, elle tente de nouer un garrot autour de son avant-bras. Mais Edgar, inquiet, déchire sa propre chemise en lanières. Je vais te soigner. Il le faut.
Dans un hurlement, la femme bondit sur ses pieds et s’enfuit dans un sentier qui longe le ruisseau. Derrière elle, traîne dans les roseaux son joli bras ensanglanté.
À la vue de cette amputation, Edgar s’arrache les cheveux. Quelle malédiction a pu s’abattre sur sa compagne? Quel est cet endroit? Qui est-il? Qui est-elle? Il s’élance à sa poursuite, en proie aux plus étranges tourments. Lydia, attends-moi! Que se passe-t-il? Lydia? Où sommes-nous?
Lydia s’effondre lourdement sur une pierre qui surplombe l’eau. Elle a perdu une jambe, que le courant emporte dans un sombre nuage rougeâtre. Tais-toi! Edgar, je t’en prie, tais-toi!
L’homme, essoufflé, qui arrive enfin auprès d’elle, s’immobilise, saisi d’effroi. C’est un cauchemar! Ce n’est pas possible!
Aussitôt ces mots prononcés, Lydia perd la jambe et le bras qui lui restaient. Elle n’est plus qu’une petite chose sanguinolente, que la douleur anesthésie. Tais-toi. Tu me tues.
La voix est si faible qu’Edgar, hésitant, s’avance vers elle, se penche près de sa bouche pour entendre. Je vais t’emmener, je vais te sauver.
Paroles fatales. La tête de Lydia se détache du cou et roule sur les pierres jusque dans le ruisseau, où elle flotte de longues minutes avant d’être happée par les flots chantants.
Éperdu, terrifié, Edgar se prend la tête à deux mains et s’enfuit dans la forêt derrière lui. On ne l’a plus jamais revu.
Bien suffisant
Le jour du dixième anniversaire de son mourômuniq, Lucille a enfermé son mari Julien dans un coffre de cèdre. Vert.
C’était devenu impossible pour Lucille d’avoir à la fois un mourômuniq et un homme dans sa vie. Un choix s’imposait. Brave Lucille, elle a choisi sans hésiter le mourômuniq.
Liberté.
Dorénavant, elle pouvait consacrer la quintessence de son amour, de ses heures, de ses soucis, à son mourômuniq. Sans filtre. Parce que Julien n’en finissait plus de soulever des doutes, de relever des contradictions, de réclamer. Julien faisait tache, il n’était plus invisible.
Avant d’agir, certes, Lucille s’est sondée. Elle n’est pas femme à révolutionner sa vie sur un coup de tête.
Il y avait bien sûr la possibilité, pratique, d’obtenir un divorce. Sauf que ça la priverait de la fortune de Julien, et les divorcés ne disparaissent jamais complètement. Ils traînent à jamais une rancune inquisitrice.
L’idée du veuvage lui est apparue, oh, mais très brièvement. La mise en œuvre ne la rebutait pas, malgré quelques hésitations sur les méthodes. Non. Lucille s’est simplement dit que peut-être, un jour, elle aurait à nouveau besoin de Julien, comme jadis. Et puisque trouver un nouveau Julien représenterait un défi dont la taille croissait avec les années, mieux valait conserver celui qu’elle avait sous la main.
D’où le coffre en cèdre.
Puis ce furent vingt ans de bonheur indicible. Inodore.
Un matin, ou était-ce un soir, le mourômuniq a disparu. Il n’était plus là. Ni dans la maison ni dans le jardin, nulle part.
Lucille a hurlé, jeûné, prié. Elle a lancé des recherches dans tout le comté, dans tout le pays, jusqu’en Patagonie. En vain.
Jamais elle ne retrouverait le mourômuniq, elle le savait, et peu à peu, l’acceptait. En pleurant.
Alors elle s’est souvenue de son coffre en cèdre. Et de Julien.
Elle avait besoin de Julien. Pour la consoler, pour lui tenir la main, pour ne pas laisser s’évaporer les quelques baisers qui lui restaient.
Mais Julien n’était plus tout à fait lui-même. On aura beau protester, vingt années dans un coffre en cèdre, ça laisse des traces.
Julien ne parvenait plus à se déplier. Paralysé dans une position foetale, ses membres atrophiés, il ne ressemblait plus à cet homme fier qu’il avait été.
Malgré tout, Lucille décida que ce nouveau Julien, c’était bien suffisant.