JOANIE: Les belles histoires d’amour, ça existe.
RONIE: C’est vrai.
JOANIE: Regarde Rose et Joey. Le parfait amour. Ils se sont rencontrés à la plage il y a cinq ans. L’été, les vacances, le soleil. Rien de plus romantique. Amour, amour, tout l’été. Ça aurait pu s’arrêter là, mais non. Ne se sont jamais quittés. Pas merveilleux, ça? Lui, fils d’industriel, elle, fille de ma tante Josée.
RONIE: Quel bel exemple, ma chère Joanie!
JOANIE: Ces deux-là, c’est un destin divin qui les a appareillés. Je rêve encore d’un amour aussi rond, aussi solide, aussi jaune.
RONIE: Et vert.
JOANIE: Oui, vert. N’est-ce pas une merveille!
ROANIE: Ta cousine Rose, toutes les femmes l’envient! Elle nourrit son amour pour Joey en se découvrant un nouvel amant tous les quarts de lune!
JOANIE: Elle les effleure à peine. C’est moins qu’un souffle de mouche sur la peau. Une délicieuse délicatesse.
RONIE: Elle les esquinte, elle a de la ressource.
JOANIE: Une femme remarquable. Rose, c’est l’altruisme même! Si tu voyais tout ce qu’elle fait pour les miséreux, les pouilleux, pour les vieux débiles qui s’ennuient à l’hospice, et à cela il faut ajouter la sauvegarde des baleines, des étoiles, des âmes égarées dans l’espace intergalactique, juste à l’orée du néant. Si tu voyais. Juste à l’orée du néant!
RONIE: On dit qu’elle les noie, ses amants, comme des chatons. Le sourire aux lèvres, une fleur dans les cheveux.
JOANIE: Pendant que nous, ma chère Ronie, nous! Tu nous as vues?
RONIE: Blonde et rousse, mais maigres. Grande et petite, mais laides. Arriverons-nous à nous déplacer, ne serait-ce que d’un pas?
JOANIE: Cette boue qui nous suce les semelles! Comment voler vers le grand amour, dans ces conditions, je vous le demande!
RONIE: Heureusement que Rose et Joey nous fabriquent du rêve. Oui. Sans ce rêve-là, je crois que je me laisserais avaler par la boue.
JOANIE: Jusqu’à disparaître. Incognito.