Les moustiques

La noirceur, le silence, la paix. Un moustique. Un moustique? Oui, qui réveille Gianna. Elle bat l’air de la main droite, en vain. S’essaie avec la main gauche, pas de chance. Le moustique, ou la moustique, car c’est une femelle, vrombit des ailes. Paraît que ça fait craquer les mâles. Mais pas Gianna, qui allume, cherche l’insecte. La voilà. Vite un magazine, pour l’écraser et dormir. Bang! Bing! Raté! Gianna grimpe sur le lit. Raté! Elle déplace sa table de nuit, qui se renverse. La moustique jette un coup d’œil sur le magazine économique, décide de s’éloigner de la courbe de progression du PIB. Juste à temps! La diptère se réfugie sur l’abat-jour. Gianna saute à nouveau sur le lit, frappe l’abat-jour, qui vacille, sans faire de victime toutefois. La chasse se prolonge, ridiculement. Gianna s’impatiente. Sort de la chambre, prend bien soin de laisser une lampe de chevet allumée pour attirer la sale bête, ferme la porte derrière elle. Emprisonnée, la moustique! Gianna se couche sur le divan. Dure nuit.

Le lendemain, rez-de-chaussée de l’immeuble. Nolhan pousse la porte. Bonjour madame la voisine, monsieur le voisin. Voisin au sourire graveleux, voisine qui pince le voisin, Nolhan poli, vous avez vu Gianna ce matin, non, le voisin ne l’a pas vue, mais vous ne vous êtes pas ennuyés cette nuit, tout ce boucan là-haut. Nolhan se pétrifie, ce n’était pas moi, la voisine pousse le voisin, tais-toi, le voisin est désolé, ils sortent, disparaissent, s’évaporent. Nolhan, amant neuf mais amoureux fou, serre les poings, ferme les yeux. Un pas vers l’escalier, une pause, volte-face. Il est dans la rue.

Se réfugie dans son Rangie, appelle le bureau, délègue tout son agenda du jour, mais Monsieur, ce contrat avec Maboteau. Rien à faire, Nolhan n’ira pas. Qu’ils attendent demain, comme les autres fournisseurs. Rien à rajouter. Une trop grande tristesse, on transporte ça au bout du monde. Il traîne la sienne jusqu’à la campagne.

Panique dans le bureau de direction chez Maboteau. Otto ne l’aurait jamais avoué à Nolhan, mais le contrat est vital pour sa compagnie. Bassesses et promesses, avait obtenu une prolongation du délai imposé par la banque. Jusqu’à aujourd’hui. Or, aujourd’hui s’en va à la vau l’eau. Le jour avance, la banque appelle, c’est la faillite.

Cinquante-deux employés apprennent la nouvelle le lendemain matin: se heurtent à une porte fermée, cadenassée, sinistre. Réclament Otto, mais Otto a disparu. Le bouillant Tony rassemble les forces, tous ensemble chez Otto, qui refuse de sortir. Jurons, menaces, cailloux dans les carreaux, police, échauffourée, Tony en prison.

Menaces de mort. Du sérieux. Pas de caution, ragera derrière ses nouveaux barreaux jusqu’au procès. Et ses adolescents Viviane et Xavier? Récupérés par les services sociaux. Père seul, mère morte d’un cancer, pauvre femme.

Le soir même, Viviane pleure, crie, hurle, tempête. Xavier se plonge dans un mutisme dont il n’est pas encore sorti.

Cinq ans plus tard, Tony sort de prison, Xavier entre à l’institut psychiatrique, Viviane sort d’une maîtrise en microbiologie. Besoin de vent, de fraîcheur. L’amour la frappe au Venezuela, la belle Emel, l’inspiration tombe à Ouagadougou, l’horrible paludisme. Elle épouse Emel, termine sa virologie, compte être heureuse, se lance dans une guerre contre les parasites des moustiques qui résistent aux insecticides.

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