Vaut mieux boire

CÉDRIC: Nous n’avons pas le temps d’organiser une manifestation ce soir, je crois que nous devrions prendre un taxi, descendre en ville, faire la fête, j’ai envie de boire, de boire toute la nuit, et peut-être écouter un band dans un bar, peut-être danser, peut-être finir la nuit avec Mariella, Daniella, Patriciella, Johanella, oh la, oh la!

DENZEL: Je partais, j’y allais, les copains sont déjà là. Ils ont fumé, ils ont chanté, c’est l’heure d’y aller. Où donc est Anatole? Anatole ne vient pas?

CÉDRIC: Anatole est dans le sous-sol, il mélange des produits dans ses éprouvettes. Il mélange, chauffe, remélange, et recommence. Depuis ce matin, sans manger, sans boire.

DENZEL: Sans boire?

CÉDRIC: Enfin, sans boire suffisamment. Chaque fois que je descends le voir, il croasse.

DENZEL: Il mélange quoi, Anatole?

CÉDRIC: Quelques sortes de médicaments, je crois, des extraits de plantes, ce genre de trucs. À moins que ce soit autre chose.

DENZEL: Tu ne lui as pas demandé? Peut-être devrais-je aller le voir, le convaincre de remonter, de nous accompagner.

CÉDRIC: Tu perdras ton temps. Anatole, quand il est concentré sur une lubie, l’univers autour s’efface.

DENZEL: Des médicaments? Mais pourquoi? La dernière fois que je l’ai vu, il ne parlait que de démanteler le gouvernement.

CÉDRIC: C’était après son projet de peindre en rose les mouettes pour qu’elles soient chouettes. Anatole, si tu veux mon avis, il ne se saoulera pas cette nuit.

DENZEL: Dommage, il va nous manquer. J’aime quand il raconte ses histoires qui vous entortillent l’esprit dans une spirale. Infinie. Anatole, il sait raconter.

CÉDRIC: Il sait boire, aussi.

DENZEL: T’es certain qu’on ne peut pas le tirer de son sous-sol? Qu’est-ce qu’il espère cette fois? Inventer une nouvelle drogue qui nous permettra de marcher sur l’eau? Une drogue qui nous rendra invisibles? Qu’est-ce que c’est?

CÉDRIC: Il n’a rien dit. Ce matin, il est descendu, il a commencé à mélanger ses médicaments, et c’est tout. Anatole avait sans doute besoin d’un aparté, quelque chose pour nous oublier, pour oublier les autres, la rue, les bars, les boyaux tordus, les réveils noirs.

DENZEL: Il est plus solide que ça, Anatole. Non, je crois qu’il a un plan, un plan pour nous projeter tous en avant. Anatole, c’est un visionnaire temporaire.

CÉDRIC: Temporaire?

DENZEL: Il voit la destination, mais toujours, il s’égare en chemin. C’est quand même mieux que nous, que moi en tout cas. Je ne vois rien, jamais rien.

CÉDRIC: J’aime bien tes manifestations.

DENZEL: Merci. Elles sont colorées. Mais tu vois, Anatole, quand il manifestait, il savait pourquoi, jusqu’à ce qu’il nous entraîne dans la chambre de ses parents. Là, je me suis douté que nous tournions en rond.

CÉDRIC: J’ai soif. Oui, en rond, c’était ahurissant.

DENZEL: Dis-moi, Cédric, est-ce qu’un jour nous cesserons de boire?

CÉDRIC: Allons-y! Nous parlons trop. Anatole ne viendra pas. Je lui laisserai un message, il saura où nous retrouver s’il sort de son long tunnel.

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