C’est l’heure du dodo pour l’enfant dans la maison de l’enseignante et du fonctionnaire. Journée comme les précédentes, à quelques détails près, imperceptibles.
ENFANT: Maman! Maman! Lis-moi une histoire!
PAPA: C’est qu’il les adore ces histoires! Bonne nuit mon petit chou.
MAMAN: Tous les enfants les adorent. C’est très très populaire en ce moment.
PAPA: Allez. Je vous laisse. Je ne veux pas manquer les dernières nouvelles.
MAMAN: Sanglantes.
PAPA: Heureusement.
MAMAN: Alors, mon petit chou, où en sommes-nous?
ENFANT: Hier tu m’as lu l’histoire de l’homme au sabre et à la tronçonneuse.
MAMAN: Ah oui. Ce soir, ce sera Le père Gervais. Mais d’abord, couche-toi bien, c’est ça. Tu dois bien dormir cette nuit. Rappelle-toi, demain, c’est samedi, et où irons-nous?
ENFANT: À la campagne!
MAMAN: Pour y faire quoi?
ENFANT: Cueillir des fraises!
MAMAN: Ce sera une belle journée. Mon petit chou, lisons cette histoire. Je commence. Le père Gervais. Il était une fois, un homme qui tous les jours subissait la haine de Jeanlaine, sa femme. Leur garçon, Gosselain, en souffrait terriblement. Un jour qu’il jouait derrière la maison, Gosselain a trouvé son père Gervais pendu à un arbre. Un cadavre déjà tout raide, si raide qu’il ne répondait pas aux nombreuses questions de Gosselain. Quand Jeanlaine est arrivée, elle a dit bon débarras. Gosselain s’est demandé si elle le détestait autant, lui, qu’elle détestait Gervais. Alors Gosselain a voulu imiter son père, et il s’est passé la corde du pendu autour du cou. Mais ça n’a pas fonctionné, et Jeanlaine lui a expliqué qu’il n’était pas Gervais, que ça ne servait à rien de l’imiter. Elle a avoué qu’elle détestait Gervais parce qu’il avait tué des dizaines et des dizaines d’enfants. Gervais a fini par avoir honte, alors il s’est retiré de la vie pour de bon, ce qu’il aurait dû faire bien avant. Entendant cela, Gosselain en a oublié de se pendre, et depuis ce jour, il végète dans son trou du bout du monde.
ENFANT: Maman…
La voix de l’enfant endormi est à peine audible.
ENFANT: Une autre histoire, maman…
La mère ferme la lampe, et la respiration régulière de son enfant ne s’interrompt pas. Elle sort de la chambre sur la pointe des pieds, émue devant le charmant spectacle de cet enfant qui dort.