Il y a des gens qui ne savent pas. C’est écrit partout, la télé en parle, il y a même, parfois, des gens qui marchent dans la rue. Mais malgré tout, il ne savent pas. Pas qu’ils ne veulent pas savoir, c’est-à-dire qu’ils sauraient que ça existe, mais qu’ils décideraient de ne rien en apprendre, non, pas ça. Car dans ce cas, évidemment, ils sauraient. Ils sauraient tout en ne voulant pas savoir. Léon est un de ceux qui, vraiment, ne savent pas. Il a vécu toute sa vie dans les villas de papa, ou de maman, selon la saison, et plus tard, il a eu tellement de soucis à régler (transfert des actifs sud-américains, investissements dans la production cinématographique malgré l’avis contraire de son oncle, construction de sa première villa à lui, puis de sa deuxième), qu’il n’a pas eu le temps, pas du tout le temps.
Alors, la semaine prochaine, quand les miséreux de la ville d’à côté sauteront par-dessus les grilles de son domaine, il s’étonnera, s’effraiera, s’enfuira. Mais la semaine prochaine, c’est loin, et Léon n’y pense pas. Comment y penserait-il, puisqu’il ne sait pas?