Besoin de distractions

Je lisais, et je n’aimais pas ce que je lisais. J’écrivais, et je n’aimais pas ce que j’écrivais. Alors je suis sorti pour acheter du café, rien que cela, du café, chez Java Java qui le torréfie sur place, qui le moud sur place. Le meilleur café en ville, meilleur que celui qu’ils vendent chez les Italiens de la rue des Souvenirs. J’entre donc chez Java Java, clochette sur la porte, je choisis mon café, mais quand je me présente au comptoir, le vieux Marcel me fait une grimace et disparaît dans l’arrière-boutique. J’attends, cinq minutes, dix minutes, vingt minutes. J’ai tout mon temps, malgré mon impatience. Après tout, rien de bon à lire, rien de bon à écrire. Tout de même. Je me décide, je passe à mon tour dans l’arrière-boutique, je m’avance dans une semi-obscurité. Nulle trace de Marcel, je n’entends rien, je ne vois rien. On m’assomme. Bang. Je me réveille dans un parc que je connais bien, et tout de suite, au bout d’un sentier, je reconnais une femme avec qui j’ai passé deux mille huit cent soixante-huit jours et deux mille huit cent une nuits. Je découchais souvent, et elle aussi, un peu. Elle m’a vu, ça m’embête. Elle traîne quoi, derrière? Des mômes. Des mômes! Combien? Deux, trois, et celui-là, c’est à elle aussi? Oui. Et celle-là, et ceux-là? Oui. Famille nombreuse. Bonjour toi toi, comme tu as changé, oh moi pas tant pas tant, je cherchais du café et toi quoi, toi quoi, du soleil, du soleil, allez va, vas-y. Elle tient à me présenter les mômes, par ordre décroissant d’abord, puis par ordre croissant, et enfin, pêle-mêle. Elle me les présenterait encore si je ne m’étais sauvé. Me voilà m’escampant, et la poudre que je soulève me voile, il y a probablement longtemps que je ne l’ai connue, comment est-ce possible d’en faire autant, on dirait qu’elle n’a pas fini, jusqu’où ça la mènera. À force d’en soulever, j’avale et je respire plus de poudre de gravillons, de sable, que je ne devrais. Je tousse, je crache, je me sens mal. Un banc. Je m’assure qu’elle ne m’a pas suivi, comment ferait-elle avec sa petite foule de mômes, on dirait que je l’ai semée. Je me tâte les poches. Ceux qui m’ont assommé transporté m’ont aussi fait les poches. Plus de portefeuille, plus de téléphone, plus de clefs. Chez moi c’est trop loin, je suis fatigué, j’ai une bosse sur le coco. Ils cambriolent sans doute mon appartement en douce, je possède si peu. À quoi bon y retourner, il n’y aura plus rien. Je m’allonge, reprendre des forces est impératif. Réveil dans une cellule. Les cons, m’ont pris pour un vagabond. Vos papiers! Évidemment, ne me croient pas, ne me croiront pas, mon histoire de café, de famille nombreuse, ils s’en moquent, de la pure invention m’informent-ils. À quoi bon protester, pas moi qui vais s’accrocher au petit ennui qu’est ma vie, laissons l’aventure me distraire.

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