Stacy est née de parents hippies installés à Eugene en Oregon morts dans un accident de voiture lorsqu’elle avait un an ce qui lui a fait embrasser pour la première fois sa grand-mère maternelle morte lorsqu’elle avait quatorze ans sauf que sans autre parent elle s’est retrouvée sur le calvaire des foyers d’accueil jusqu’à sa majorité et à vingt ans avait déjà eu plusieurs amants plusieurs amantes avait exploré les États-Unis deux fois du nord au sud d’ouest en est et malgré le manque de ressources a complété des études qui lui ont permis d’obtenir un diplôme en administration pour ensuite travailler à Cleveland et quand la compagnie a déménagé ses pénates en Thaïlande on lui a offert un salaire quarante pour cent plus élevé au musée de New Bowland où elle a entretenu une relation secrète avec la fille de son patron qu’elle a laissée pour Stanley qui l’a mise enceinte malgré ses précautions mais avant qu’elle ne s’en rende compte il avait disparu entamé un long périple international et à son retour Florence était née Stanley s’est réjoui Stacy a consenti à vivre avec lui sauf qu’elle s’est à nouveau retrouvée enceinte dix ans plus tard mais elle a failli mourir à la naissance de James dont elle ne voulait pas si bien qu’elle a souhaité l’offrir en adoption mais Stanley a insisté il saurait s’occuper du môme elle a cédé elle l’a toujours regretté n’a jamais bercé James s’est peu à peu détournée de Florence et de Stanley ses escapades ont repris a revu la fille de son ex-patron cela a duré six ans quand Stacy est à la maison c’est que ça ne va pas comme en ce moment elle est d’humeur massacrante fume cigarette sur cigarette fait les cents pas dans le jardin son téléphone scotché à la tempe sa main gauche nerveuse hache la nuit de coups excédés la voix d’un homme qui refuse de la revoir.
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Laurent et Florence au café
Donc, donc, donc, dès qu’il aura ouvert la porte de verre, ou est-ce Florence qui l’a fait, il s’est retrouvé dans cette salle, longue et mince comme un wagon-restaurant, avec deux séries de tables de part et d’autre d’une allée centrale qui mène jusqu’au comptoir, installé au fond. Trois mètres du sol au plafond, quatre mètres entre les deux murs latéraux, onze mètres de la porte au mur derrière le comptoir. Un espace de cent trente-deux mètres cubes aux couleurs chaudes, couleurs de sable, de terre, murs crème, carreaux au sol crème, boiseries d’acajou, boiseries de sapin. Un corridor, ni plus ni moins, qui mène au comptoir et à son encadrement. Là, l’accumulation d’éléments décoratifs laisse perplexe. Cet encadrement divise la salle en deux. Les tables accaparent les trois quart de l’espace, et le comptoir, derrière l’encadrement, le quart du fond. L’encadrement est composé d’une poutre reposant sur deux piliers encastrés dans les murs de droite et de gauche. Cette poutre et ces piliers sont recouverts de fines plaques d’acajou, ou de bois teint aux couleurs d’acajou, et forment un cadre devant le comptoir. Étonnamment, on a ajouté aux angles supérieurs formés par les piliers et la poutre, des jambes de force sculptés mécaniquement, pleins, larges, qui semblent d’autant plus imposants et larges que la pièce-corridor est mince. Deux volutes terminent chaque extrémité du jambage, ce qui confère à l’ensemble un air pompeux. Mais ce n’est pas tout. De chaque côté de la pièce, collés aux piliers, se dressent deux demi murs à caissons qui s’avancent de soixante-quinze centimètres, avec leurs quatre rangées de trois petits carrés. Déjà, on le voit, le décor se charge, on flaire la volonté d’en imposer, d’exposer de la boiserie. Sans doute éperonné par un enthousiasme délié, le patron a ajouté deux énormes lampes aux extrémités des demi-murs. Et pas n’importe quelles lampes! Larges colonnes d’un mètre de haut, tore à la base, baguées d’astragales aux quatre cinquième, chapiteaux à volutes au sommet, sur lesquels reposent deux boules de lumière. Un étranger, comme Laurent, peut se demander où conduit un châssis pareil! Ou peut-être pas. Peut-être ne distingue-t-on pas cette poutre, ces jambes de force, ces lampes, simplement parce que derrière se déchaîne une autre avalanche de boiseries qui, vues de loin, se confondent un en seul méli-mélo indistinct, aux formes vagues, un bric-à-brac d’antiquaire dans une boutique exigüe.
Les matraques
LÉO: Là-bas, nous battons les enfants. Pédagogiquement, avec nos matraques.
GUS: Des matraques de flics?
LÉO: Non. Des matraques spirituelles.
GUS: Du vent?
LÉO: De vrais matraques.Toutes les matraques sont façonnées dans un tibia de bœuf. C’est un travail délicat, et long. J’ai séjourné trois jours à la campagne, chez l’éleveur, à humer le bœuf dont je cueillerais le tibia. On ne choisit pas le tibia à la légère, sur l’étal du boucher. Le caractère de la bête doit correspondre à son propre caractère, une profonde connexion entre le bœuf et soi-même est cruciale. La découverte du bœuf absolu peut survenir en dix minutes, mais aussi, après six mois, un an, deux ans de longs voyages dans les campagnes du pays. Une fois la bête choisie, je l’ai accompagnée jusqu’à la fin. Je la caressais de mes deux mains lorsqu’elle est morte. Je l’ai ensuite suivie chez l’équarrisseur, qui m’a remis le jarret droit, puisque je suis droitier. Je me suis confiné chez moi pendant trois jours, comme cela est prescrit, et j’ai fait mijoter le jarret, que j’ai mangé en entier. J’ai ensuite mangé la moelle, et j’ai mis le tibia à sécher, le temps qu’il fallait, je l’ai sculpté, principalement avec une meuleuse de précision et une ponceuse, jusqu’à ce qu’il soit parfaitement adapté à ma main. Voilà. J’avais enfin ma matraque.
GUS: Vous êtes fous! Je préfère philosopher sous les ponts.
Le puit
TARA: Dans le puit sans fond, tombe un caillou.
RIOK: Toi?
TARA: Ma voisine.
RIOK: Ah? Ses messages joyeux, c’était donc ça!
Tout ce que ça prend pour avoir une belle histoire
Le drame, dans cette histoire, est total. Les pleureuses littéraires ont littéralement pleuré, il y avait des petits fours, des seaux de psychologie, et une fin dont on se souviendra jusqu’à l’apéro. Pourtant, c’était une histoire aussi vraie que la vérité, une de ces histoires où la victime, un moustique gelé, n’a pas même eu le temps de chanter son désespoir. Il meurt lamentablement sous les coups d’un horrible bourreau de sept ans. Dans l’histoire, il y avait aussi des champs de tournesol et des voitures anciennes. Ma voisine et moi, et quelques-uns de nos voisins aussi, sommes apparus à la fin du chapitre trois, au chapitre cinq, au milieu, et au tout début du chapitre neuf. Nous avons adoré faire partie de l’histoire, et nous sommes, tous, disposés à recommencer.
Le plaisir de la nostalgie
TUR: Tu es tellement loin de moi! Dois-je crier?
ESA: Es-tu tombé sur le coco? Tu es si près que je sens, oh horreur, ta sueur du mois!
TUR: Je sais. C’est que je m’ennuie. Oh! La nostalgie! Profonde nostalgie!
ESA: Un mal de vivre, comme quand on était jeunes.
TUR: Que nous fumions.
ESA: Nous fumons encore. Pousse-toi, tu m’écrases les orteils avec tes gros talons!
TUR: Tu ne t’ennuies jamais de la tristesse, toi?
ESA: J’ai trop à faire.
TUR: Tu rigoles? Tu brûles tes journées sur cette place, avec moi, depuis vingt ans! Tu ne fais rien, tu n’as jamais rien fait.
ESA: Ce n’est pas rien, puisque tu en parles. Tu t’inventes des contes de fées.
TUR: Et la fée, c’est toi?
ESA: Je suis le prince charmant. Tu es le monstre. Quand la princesse se pointera, nous nous battrons, je gagnerai.
TUR: D’accord. Moque-toi autant que tu veux. Ça n’enlève rien à ma nostalgie.
ESA: Je voudrais bien t’attrister, mais je n’en ai pas l’énergie. Tu devras te contenter de ta nostalgie, et pleurer dans tes rêves.
TUR: Cruel! Il te reste à boire?
Les risques de la vie sociale
Je savais que je risquais ma vie, je ne suis pas fou! Mais les relations sociales, y a rien de plus important, surtout quand elles sont de moins en moins sociales. Je roulais à cent trente sur l’autoroute, pas beaucoup de trafic, pluie, nuit, quand Tobertadinnodinatarien, c’est le frère de John, qui est le copain d’enfance de Yann, mon copain d’université, m’a envoyé un texto. Je n’ai jamais vu Tobertadinnodinatarien, mais recevoir un message de lui! Il conduit une Nissan 370Z, il est président du Club de la Montagne, il passe ses hivers à Bora Bora. Il me demandait des nouvelles de John. “Il est où John, merde, je le cherche depuis dix minutes!!!!”. J’ai lu, j’ai répondu que John devait être chez Rosita, puisqu’Amanda m’a dit qu’elle et Tobias y allaient pour un party et que… Je n’ai pas complété, puisqu’il y avait le pilier d’un viaduc devant ma voiture, sur lequel tout s’est arrêté. Je n’ai découvert que plus tard, après l’arrêt de la voiture et de ma vie, qu’en fait, John n’était pas chez Rosita, mais avec Amanda au Canada, et que Tobias jurait qu’il le tuerait, ce n’étaient que des mots, évidemment. John a traversé le pays, et comme c’est long, il a perdu Amanda, et s’est acoquiné avec une Suédoise en Alaska, et comme ça devenait ennuyant, je me suis désintéressé de l’affaire, pour observer les puces de pages au Costa Rica.
Faut juste y croire
Nous y voilà! Yvon se place à droite, Gérald au centre, Hubert à gauche. Tous les trois regardent, fixent, observent, le panache d’orignal que le grand prêtre s’est fixé sur le crâne. Dans quelques minutes, ils inventeront une nouvelle religion. Ils n’ont pas encore décidé si Bernard, celui qui a décidé de se faire appeler “grand prêtre”, devrait être un dieu, un demi-dieu, ou un quart-dieu. Donc ils scrutent chaque centimètre carré et cube de Bernard. Avant la fin de la nuit, ils sauront. Et demain, ils lanceront les invitations, et d’ici une semaine, commencera le prêche.
L’homme utile
Je suis entré dans l’ascenseur, il a brandi une machette, m’a coupé la main droite, j’ai saigné jusqu’à ce que les portes s’ouvrent, un fonctionnaire a appelé les secours en se sauvant, je me suis évanoui, réveillé sur un lit d’hôpital près du chef d’une bande de voyous qui m’a confié un secret, la cachette d’un magot, il est mort peu après, j’ai attendu deux ans, j’ai retrouvé le magot, une fortune, la richesse, et par un hasard étonnant, on m’a arraché la deuxième main, un gamin qui jouait avec des pétards, je me suis payé des prothèses, alors j’ai décidé de collectionner des photos de castors, j’en ai des milliers, je prépare une exposition, un grand événement, faut bien faire quelque chose d’utile de sa vie.
Une fin qui aurait pu être pire
À trop manger de chocolat, tu t’es pris dans l’engrenage diabolique du commerce transanarchique. Te voilà asservi, rôti et impoli. Donc, mal de tête, parce que tu ne supportes pas le sucre, indigestion, retard pour le train, rendez-vous manqué dans le village d’à côté, contrat perdu, créanciers, te voilà dans de beaux draps.
URL: C’est pas fatal!
Il te reste ta chatte, qui t’adore. Ils ne la saisiront pas, qu’est-ce que ça vaut une chatte de sept ans, tu peux partir avec elle, faire tes adieux à ta maison, ta voiture, ta voisine, et s’ouvrent de nouveaux chemins dégarnis. L’aventure!
URL: C’est pas banal!
Tu rencontreras Jimmy, qui te guidera dans le royaume des gueux, il finira, après des semaines de supplications, par te présenter Janita, qui te confiera ta première mission, que tu réussiras sans trop de problèmes, ce qui te vaudra les félicitations d’Anita, qui elle, t’accueillera à bras ouverts, et alors seulement tu reverras la lumière, tu t’élanceras, tu riras, tu enterreras ta chatte, si vieille, avant de filer dans le sud où t’attendent les promesses d’un grand bonheur.
URL: C’est pas mal!