Nous attendions tous ce discours avec impatience, plusieurs d’entre nous avaient parcouru des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour y assister. Un cadre enchanteur, comme disent les commentateurs: lac calme dans une région si éloignée qu’on n’y retrouve que deux ou trois chalets, rien de plus. Autour, la montagne, la forêt, une petite cascade qui descend en plein milieu du terrain, que nous traversons grâce à un de ces petits ponts de pierres et de bois en arche.
Nous prenions place, pour certains sur des chaises de jardin, mais pour la plupart, dont j’étais, directement sur l’herbe, avec ou sans couverture. Il s’est incliné, pour entrer tout de suite dans le vif du sujet, en homme de peu de temps. Transformation, détermination, il nous a annoncé que la plupart d’entre nous ne réussiraient pas à cause d’un défaut de constance, mais que nous ne le savions pas encore, il se proposait de nous détailler sa méthode, il répondrait aux questions à la fin, mais déjà à ce point je comptais une bonne dizaine de piqûres de moustiques. Se concentrer, simplement écouter, devenait ardu à cause des moustiques, petites bestioles qui prolifèrent dans les secteurs humides, qui peuvent vous tomber dessus en bataillons toujours renouvelés, jamais vaincus. Vous avez beau les écraser à tour de bras, utiliser des lampes pour les griller, rien n’y fait, la population des moustiques n’est pas en péril. Un ancien groupe rock américain avait écrit une chanson sur les moustiques, je me suis toujours demandé pourquoi, surtout que la mélodie était d’une naïveté navrante, bonne à égayer une classe de maternelle. Étonnant d’autant plus qu’auparavant, avant la mort de leur parolier chanteur poète autoproclamé, leurs chansons étaient tout sauf légères. Mais ça a plu, assez pour être traduit en français et obtenir, peut-être davantage que dans la langue d’origine, un grand succès. Sauf que chanson ou pas, j’en connais plusieurs qui ne vivraient pas à la campagne, encore moins en forêt, à cause des moustiques, chassés, tenus au loin par ces petites bêtes fragiles, si faciles à écraser, plus que ces autres bêtes, ours, loups, lynx, pumas, orignaux et autres mammifères.
À la fin du discours, mes chevilles étaient enflées, et le cou, et les bras, même le cuir chevelu. Je me suis levé avant que ne soient posées les premières questions. Tant pis, j’achèterai son livre, ce sera bien, et bien mieux, de lire à l’abri.