Collectionner des dents américaines

L’idée, ce n’est pas tant de partir en voyage. C’est plutôt de partir. Voyager, peut-être, mais avec ou sans retour.

A: Ça fait des mois que tu fais tourner ton moteur, sans jamais embrayer.

Tourner, tourner, tourner autour d’un axe pour prendre de la vitesse, pourvu qu’on finisse par laisser aller, comme dans le lancer du marteau. Sinon, j’imagine qu’on finirait par forer un trou, et s’y ensevelir peu à peu.

B: N’oublie pas ta brosse à dents.

Vous n’y êtes pas! Une brosse à dents! Pourquoi ne pas me proposer un guide touristique! Un voyage organisé, avec les mêmes escales depuis cinquante ans.

C: Mais où iras-tu?

Est-ce si important? Qui d’entre vous m’accompagnera, si je pars sans destination? Personne? Vous préférez refaire ce qui a été fait des milliers de fois, avancer à l’aveuglette, l’esprit en berne et heureux. Pétrifiés. C’est vrai que vous serez charmants, tous, sous forme de statue. J’ignore quand je partirai. Faudrait commencer par me taire, et cesser de collectionner des cailloux, de collectionner des glands de chêne, de collectionner des dents américaines.

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