Tu veux être présidente du Festival de la corneille? Appelle-moi, rencontrons-nous, établissons les bases d’une famille dont on parlera encore dans deux cents ans, une famille qui imprimera sa marque sur le devenir de notre nation, sur la marche du monde, sur les extrapolations interplanétaires. Nous aurons quatre enfants, peut-être cinq, et nous les investirons du sens profond de leur mission. Ils poursuivront notre œuvre, nous serons eux, ils seront nous, ce sera l’apothéose pour chacun de nous.
C’est simple, tu peux me joindre par téléphone ou courriel, je travaille de huit à cinq, j’ai toutes mes soirées, tous mes week-ends. J’adore le bowling, je participe à tous les championnats, et même si je ne gagne jamais, j’y retourne. Esprit sportif, on me dit positif, mes collègues et ma mère m’aiment. Je sais faire la cuisine, je fais mon ménage moi-même, je répare ma voiture et mon vélo, et je suis ouvert à suivre des cours de danse, en ligne, en cercle ou sur le tas.
Cette inspiration, ça vient de mon voisin. Monsieur Godbout, il a eu une révélation, hier durant la nuit. Il a rêvé que je quittais mon boulot au Bureau des plaintes du Service d’urbanisme, pour m’envoler vers la grande vie avec la présidente du Festival de la corneille. Il m’a tout raconté, tout décrit, alors quand j’ai vu ta photo dans le journal, j’ai tout compris. Peut-être n’étais-tu pas au courant de cette révélation? Je te laisserai, ci-dessous, le numéro de Monsieur Godbout, il te donnera les détails. Ils sont là, purs et essentiels.
Tu trouveras ma photo sur mon profil Facebook, mais ne te laisse pas déconcerter par ce cliché, puisque notre destin est tout tracé. Je fais un mètre quatre-vingt, quatre-vingt-quatre kilos, cheveux bruns foncés, yeux marrons. Je mange sainement, je ne bois presque pas, je ne fume presque pas, et je suis d’un naturel enthousiaste.
Future présidente du Festival de la corneille, j’ai déjà trop parlé. Unissons-nous au plus vite, puisqu’il doit en être ainsi. Il y a un banc en face du Bureau des plaintes du Service d’urbanisme, tu peux m’y attendre à dix-sept heures ce soir, je t’y rejoindrai. Nous pourrons entreprendre sur-le-champ la confection de notre premier héritier. Évidemment, j’aurai déjà remis ma démission, pour me consacrer à notre nouvelle existence.