Jour gris, pluvieux, automnal. Un long chemin boueux qui mène à une bâtisse sombre, aux vieilles pierres humides. John sort par une porte dérobée, l’œil soupçonneux. Mais Jeanne, qui l’a vu, court vers lui.
JEANNE: Monsieur! Monsieur!
JOHN: (tout bas) Je n’entends rien, je n’entends rien. Cette satanée boue! Pas moyen de courir!
JEANNE: Monsieur! Attendez!
JOHN: (tout bas) Je n’y échapperai pas. Que me veut cette peste?
Jeanne parvient jusqu’à John, l’attrape par la manche de son trench.
JEANNE: Vous vous sauvez?
JOHN: Je vaque à mes ceci, à mes cela.
JEANNE: J’attends depuis trois jours. On dit qu’on lance parfois des vivres du toit de la chartreuse.
JOHN: Oui, c’est sans doute vrai. Pourquoi n’iriez pas reprendre votre guet.
JEANNE: J’ai trop faim. Puisque vous êtes là, autant régler ça de vive voix.
JOHN: Je suis en retard. J’allais faire du tourisme.
JEANNE: C’est partout pareil, rien à visiter. De la boue, de la bruine grise, et ce froid humide qui vous chatouille les os.
JOHN: Vous êtes pessimiste. Comme les vôtres.
JEANNE: J’ai faim. Mangeons.
JOHN: Vous niez le prestige du tourisme?
JEANNE: J’ai travaillé, j’ai veillé, j’ai jeûné.
JOHN: Bravo. Vous aurez votre médaillon.
JEANNE: De bœuf?
JOHN: Un joli médaillon de nickel, avec une inscription dont vous serez fière. Ainsi que les vôtres.
JEANNE: Je ne vous lâcherai pas que je n’aie quelque chose à me mettre sous la dent.
JOHN: Je pourrais vous assommer.
JEANNE: Vous? M’assommer? Vous vous blesseriez. Regardez-vous. Vous êtes pris, admettez-le, réglons cette affaire, vous pourrez vous essayer au tourisme ensuite si le cœur vous en dit.
JOHN: Soit. Montrez-moi votre fiche de travail. Déshabillez-vous. Couchez-vous là.
JEANNE: Humiliation. Dévalorisation. Vaporisation. Révélation. Révolution. C’est ce que vous voulez?
JOHN: Vous m’embêtez. Venez.
John retourne vers la bâtisse, ouvre une porte et en ressort avec un lourd sac de jute.
JOHN: Prenez. Maintenant, que je ne vous revois plus.
JEANNE: Pas avant la semaine prochaine.