Félia

Elle le savait, oui, son chat Benne le lui avait dit, et Henri le bœuf, et Jacob la tortue, et Cathy la pie: son bipède erre dans la ville au gré des champs magnétiques, totalement dépourvu du moindre libre arbitre.

Surtout, ont insisté, répété, martelé, Benne et Henri et Jacob et Cathy, laisse-le, abandonne-le à son sort, ne virevolte-face pas, ne pivote point, sous aucun prétexte évite de te retourner! Son sillage est semé de la putréfaction pétrifiée de tous les reproducteurs. Une allée infernale.

Mais elle, oh elle, n’a pas écouté. N’a écouté que son élan exalté. Son regard, mais aussi son visage, et même tout son corps, s’est tourné vers l’exécrable bipède qui, on l’a deviné, avait disparu. Un trou, un vide, le néant, un grand néant aspirateur. Qui l’a absorbé, elle.

Ni le chat, ni le bœuf, ni la tortue ou la pie ne l’ont plus jamais revue. Elle n’avait que vingt-deux ans, mais avant de disparaître, on lui en aurait donné quatre-vingt-douze et demi. Rides molles, longs cheveux blancs, raides, quelques dents écartelées.

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