Il semblerait que des fleurs lui poussent sous les pieds lorsqu’il dort, mais elles meurent dès qu’il se lève et marche. Cela n’a jamais été constaté de visu par les autorités compétentes, puisqu’il a toujours interdit l’accès à sa masure. C’est pourquoi les gens du chemin des Chênes noirs ont défoncé sa porte la nuit dernière. Il était trois heures deux minutes. Il dormait, évidemment, comme tout le monde dans un rayon de cent trois kilomètres. Les vandales, ils étaient trois, ont fait tellement de bruit en fracassant sa porte qu’il s’est levé, a saisi son fusil, a tiré. Il en a tué un, mais les deux autres étaient armés eux aussi, et ils l’ont descendu, tué, éliminé. Ce matin, sur la place du village, on ne sait que penser de tout cela. Certes, nous voulions tous savoir, confirmer cette folie. Des fleurs sous les pieds! Mais se réveiller avec ce carnage, et pas la moindre information, c’est vraiment dommage. Il ne nous restera plus qu’à spéculer, inventer, jusqu’à ce que cette histoire nous lasse. À moins que ça ne reste ancré dans nos esprits et ceux de nos enfants et ceux de leurs enfants et ceux de leurs enfants, qui croiront peut-être que c’était vrai. Car c’était peut-être vrai.