MISTER X: Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous marchions côte à côte, et soudain, comment cela est-il arrivé, nos mains se sont effleurées, et soudain, comment cela a-t-il bien pu se passer, nous nous tenions la main. C’était cela, main dans la main, sans la moindre pression, sans faiblesse, sans force, comme si une main prolongeait l’autre. Et nous avons marché, nous émergions, je ne sais d’où, une sorte de brouillard, et devant il n’y avait que cette étroite rue pavée. Tu tenais une bicyclette, à moins que ce ne soit moi. Nous ne parlions pas. Ton visage rond, tout m’étonnait en toi, et ce moment aussi, comme s’il sortait de nulle part. Cela a duré le temps de nous rendre compte que nous nous tenions la main, cela a duré, puis je me suis vu t’embrasser sur la joue, je me suis vu m’étonner. Ta main a quitté la mienne, les pavés ont fondu, la rue s’est effacée, nous étions ailleurs, j’étais terrifié. Pourtant. Il y avait cette tornade dans mes yeux, mais toi, en toi, sur toi rien ne bougeait, ton visage impassible, ton visage rond qui regardait, qui regardait quoi, qui avançait.
MADAM Z: C’était avant-hier.
MISTER X: Oui. Comme si c’était hier.
MADAM Z: Cette inconnue qui t’embrassait, qui dansait en t’embrassant confusément, mais je disparaissais.
MISTER X: Pourtant. Je ne m’en suis pas relevé. Atteint. Pourtant. J’aurais pu tout reprendre du début, ne crois-tu pas? Pourtant. Nous en sommes là, de beaux disparus, à recoller les fragments d’une berlue.
MADAM Z: Comme si c’était hier.
MISTER Z: Pourtant. Oui. Avant-hier. C’était avant-hier.
MADAM Z: Tu avais ce visage rond, ce si joli visage. Sans larmes, sans rires. Visage rond. Tu n’as plus de visage, tu n’as plus rien.