Une autre ville. Juste une autre ville. Il est cinq heures du matin, je dois partir. On m’attend dans la prochaine ville.
Si tu ne dors pas, pourrais-tu, s’il te plaît, me rappeler ton nom? Comment te sens-tu? Quel est le nom de cette ville? N’avais-tu pas un collier tressé? Un collier avec ce coquillage poli en pendentif? À moins que ce soit avant, je veux dire, dans la ville précédente.
Nous roulons à travers les marécages. Cette route, comment tient-elle? Je serais curieux de voir comment ils l’ont construite, les assises. Des alligators partout, même dans les fossés quand il y a un peu d’eau. Partout. Et maintenant cette gargote. Petit déjeuner, œufs
, pain grillé, nous sommes assis à l’extérieur sous une sorte de hutte, un rectangle, un comptoir en rectangle avec la cuisine, très élémentaire, au centre. Une bouteille de ketchup à tous les mètres. Ils en mangent tous. Abondamment.
Est-ce que je lui ai demandé son nom?
Sur cette route, il n’y a pratiquement pas d’hôtels. Que de vieux motels défraîchis. Celui-là, par exemple, dont les portes ne ferment pas. Serrures éclatées, jamais remplacées. Dormir d’une oreille, pas rassuré. Et celui-là, du sang sur le mur de la salle de bain.
J’aurais au moins pu lui écrire un mot, laisser mon courriel. Portait-elle un chapeau de paille, ou était-ce la semaine dernière, cette étrange femme qui a passé toute la soirée sur une escarpolette rouillée?
Une autre ville. On me fait croire que je suis plus qu’une ombre. Pas convaincu. J’ai traversé des états bien réels, sur des routes achalandées, des ombres le font aussi. Sans laisser de trace. Je ne laisse de trace nulle part.