Une soirée entre amis

Nous avions rendez-vous, un rendez-vous des copains. Yeah! Jeudi soir, au Bar de la Rivière, vingt-heures. Mais mon boulot, oh mon boulot! Le temps de tout ranger, dix-neuf heures quarante-cinq, le temps de traverser la ville, petite, heureusement, il est déjà vingt heures trente.

Ils sont tous là, Gaston, Sébastien, Matthew, Jean-Maxime, Claude-David, Jean-Sophocle. Fait plaisir de les revoir, c’était quand la dernière fois, il y a au moins six mois, que de changements en six mois. Je m’approche de la table, personne ne réagit. Eh! Où sont les exclamations habituelles? Fatigués, les copains? Pas une chaise libre, comme s’ils m’avaient oublié. Ne rien dire.

Je trouve une chaise libre à une autre table, je m’installe entre Sébastien et Jean-Sophocle, qui me jettent de drôles de regards. Pas un ne me salue, au contraire. Regards soupçonneux, fronts plissés, regards durs. La bonne plaisanterie, que je me dis! Me faire marcher! Jouons un peu alors.

Je fais celui qui ne les connaît pas, bonjour, mon nom est Marc-Arthur-Zoé, heureux de faire votre connaissance, buvons, mes camarades, voulez-vous? Mais les visages se rembrunissent. Faut quand même pas exagérer, c’est bien drôle, revenons à nous.

C’est Gaston qui parle, qui es-tu, qu’est-ce que tu fais là, nous avons une rencontre de copains, il y a des tables libres, et les autres approuvent pendant que je m’esclaffe. Elle est trop bonne! Trop bonne! Mais Matthew se lève, me saisit par le bras, fait pas d’histoire, dégage.

Il serre, et ça fait mal. Matthew, c’est un bœuf. Alors je m’impatiente, merde les gars! Merde! Qu’est-ce qui vous prend? Jean-Maxime, appelle le serveur, qui rapplique aussitôt. Oh non! Pas question de partir! Quelques insultes, pauvre con, débile, impossible de mettre fin à cette plaisanterie. Je m’apprête, même si ça me semble ridicule, à leur rappeler qui je suis, mais pas le temps de placer trois mots que deux videurs me saisissent par les bras, me soulèvent comme une marionnette de chiffon, me jettent dans la ruelle.

Côte fracturée, ecchymoses au front, aux mains, au genou. La plaisanterie va trop loin, beaucoup trop loin. Faut en finir! Je me relève, je fonce vers la porte, mais dès que j’ouvre, mes deux costauds me rattrapent, et cette fois, ils frappent sans ménagement. Deux autres côtes cassées, trois dents tombées, ça va mal.

Alors, je me dis, dans une situation semblable, quand ça va si mal, vaut mieux se taire, rentrer sagement. Sauf que se relever, avec trois côtes cassées, ne va pas de soi. Je me traîne jusqu’à ma voiture, et je file droit devant. C’est fou, j’ai oublié où je vis. Sans doute un coup sur la tête. Je me gare sous ces arbres, et j’attendrai. Ça finira bien par se replacer.

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