JODA: Aujourd’hui, nous allons jouer à la littérature.
ZENTO: Front penché, café fumant, cigarette.
JODA: Cigarette? Non. Ça ne se fait plus. Balade en vélo, pour se mettre en train, ou jogging, encore mieux.
ZENTO: Commençons par inventer un sens à la vie. Un beau sens, profond, quelque chose qui rassemblera. Qui permettra de vendre. Un sens comme, l’homme est sur terre pour comprendre pourquoi l’homme est sur terre.
JODA: Et la femme?
ZENTO: Idem. Il nous faut un sens pur. Intellectuel. Surtout, il nous faudra utiliser des mots qui accrochent. Quintessence. Dialectique. Espace. Temps.
JODA: Et restreindre. On ne parle plus de tout le monde, ça n’intéresse personne. On parle de soi. Que de soi en soi. C’est suffisant.
ZENTO: Oui! Parler de soi, c’est parler du monde autour de soi. Donc de toi. Et de toi, et de toi aussi.
JODA: Exactement!
ZENTO: En soi, ça se tient.
JODA: Quand on n’y regarde pas de trop près.
ZENTO: Pas de danger. Temps de lecture rapide.
JODA: Donc, soi.
ZENTO: C’est-à-dire moi.
JODA: Moi.
ZENTO: Voilà, c’est suffisant, non?
JODA: Génial! C’est brutalement génial!
ZENTO: Moi. J’adore, c’est court, direct, et ça dit tout.
JODA: Tout.
ZENTO: Sauf que ça ne remplit pas un livre. Les gens aiment les livres. Ils aiment tourner les pages.
JODA: Il n’y a qu’à répéter. Moi moi moi moi. Ou varier. Moi c’est moua qui est moé qui est moi qui pense à moi qui écrit sur moi qui vit en moi. Ça va plaire.
ZENTO: Un succès.
JODA: J’adore faire de la littérature avec toi.
ZENTO: Moi aussi, mais je préfère faire l’amour avec toi.
JODA: Je préfère jardiner avec toi.