J’étais malheureux quand j’étais loup-garou. Heureusement, un soir de pleine lune (pourquoi pas?) un orage électrique a éclaté, un éclair m’a atteint, m’a métamorphosé en type bien ordinaire. Trop ordinaire? On s’habitue. Je suis maire de mon village. Mon village sera bientôt une ville. Dans cent quarante-deux ans. Mais ça, je l’ignore, officiellement. J’en sais des choses, depuis l’éclair.
Demain, j’épouse la fille du maire précédent, mort d’une dégringolade en bas de l’estrade municipale où il s’apprêtait à livrer le discours de sa vie. Sur l’importance des parterres fleuris.
Maintenant, lorsque nous nous reproduirons, et c’est là la grande question, est-ce que nous aurons de petits loups-garous? Ou de petits mairillons?
Qu’importe. J’aimerais bien avoir de petits loup-garous, mais elle, ça l’affolerait. Et les gens du village! Imaginez! Au moins, ils pourraient se divertir. La peur du loup-garou, ça meuble une vie. Une vie ennuyeuse.
Ça meublerait ma vie devenue si ordinaire. Ordinaire. Si ordinaire, qu’à m’écouter parler, parfois je m’assoupis.