Mon ami l’ivrogne

Je ne bois jamais d’alcool, mais mon meilleur ami est un ivrogne. Un jour, il a eu un éclair de génie, et sans hésiter, il a tourné le dos à sa compagnie, sa famille, ascendante et descendante, à ses amis, pour se réfugier dans ce bar. Il n’en est jamais sorti. Il a acheté le bar, qui dispose d’un petit deux-pièces à l’arrière, et il n’en sort jamais. Il se nourrit de rares sandwichs, de bière et de whisky. Tout lui est livré, il n’a pas à sortir. Lorsqu’il est malade, ses employés font rouler le bar. On le vole, mais il s’en balance. Il a suffisamment d’argent pour vivre encore quarante ans sans travailler. Tout le reste, et c’est énorme, il l’a lancé en pâture à ceux qu’il a laissés derrière lui. Ça fait déjà douze ans, et ils s’entredévorent encore. Avant l’histoire du bar, je ne le connaissais pas. Je l’ai rencontré là, un jour où j’étais venu réparer la plomberie. La toilette des hommes qui coulait, des joints à changer dans le réservoir. Il m’a demandé ce que je pensais de son bar, je lui ai dit que c’était affreux, il a approuvé de la tête et m’a demandé de revenir la semaine suivante pour réparer la toilette des dames. Depuis ce temps, chaque semaine, je fais un arrêt à son bar. Je débloque un tuyau, en hiver je les dégèle, parfois je me contente de jeter un coup d’œil à la plomberie, par habitude. Chaque fois, nous échangeons quelques mots. Si j’ai une sale gueule, il me le dit. S’il dit une connerie, je le remets à sa place. Nos conversations, si on peut appeler ces échanges des conversations, ne durent jamais plus de trois minutes.

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