Jean et Jeanne marchent côte à côte sur le boulevard. Jeanne est de Saint-Jean, Jean est d’on ne sait où. Jeanne mange des cacahuètes, Jean se cure le nez, délicatement avec l’auriculaire.
JEANNE: Puisqu’il faudra finir par parler, je parle. Jean, est-ce l’amour, ou est-ce l’amère illusion?
JEAN: Les illusions sont nombreuses, mais l’amour, dis-moi, qu’est-ce que c’est?
JEANNE: L’amour? C’est l’amour! Tu ne connais pas l’amour?
JEAN: Jamais entendu parler. D’où je viens…
JEANNE: D’où viens-tu?
JEAN: Je viens du domaine du Clan des Grands…
JEANNE: Le pays?
JEAN: Que de questions! Ne devrions-nous pas nous allonger, comme nous le faisons tous les jours, et ahaner?
JEANNE: Avec, ou sans?
JEAN: Pardon?
JEANNE: Amour! Avec, ou sans?
JEAN: À ta guise! Allons!
JEANNE: Sans amour, l’humanité périra!
JEAN: Pourquoi me parler de ça aujourd’hui? Depuis dix-neuf ans que nous marchons, nous allongeons, mangeons ensemble, tu n’avais jamais abordé la question. J’aurais pu étudier, disséquer, cartographier.
JEANNE: Ça ne m’était jamais passé par la tête.
JEAN: Si tu y tiens, je sortirai microscope, télescope et horoscope, et j’apprécierai la chose scientifiquement.
JEANNE: Tu es mignon.
JEAN: Tu es brune.