Longue journée. J’ai passé en revue toute la comptabilité du mois. Cela m’a pris un temps fou, pas même le temps de m’arrêter pour le lunch. Je suis exténué. Pas de télé ce soir, pas de lecture, je me glisse sous les draps et je me couche.
Un brin de toilette, en accéléré, dents, douche, dodo.
Ils sont plusieurs, ce soir, autour du lit. Cinq messieurs, deux dames. Quatre des hommes portent un jeans. L’un a un t-shirt blanc, chaussures marron, l’autre une chemise à carreaux dominance rouge à rayures vertes et jaunes, chaussures noires, l’autre une chemise blanche, froissée, sandales en cuir, l’autre un pull en coton marine avec un logo blanc sur le devant, baskets blanches. Le cinquième homme porte un habit marine à rayures grises, fines. Chemise rose, cravate rose à bandes obliques marine, mouchoir rose. Une dame porte un jeans, une marinière, des tennis bleu royal à semelle blanche, garnie d’une rayure marine. L’autre dame porte une jupe fourreau vert sapin, blouse blanche, escarpin vert bouteille. Ces gens ne communiquent que par des regards, des gestes silencieux.
Tous sont assis à environ deux mètres quarante du lit. L’homme en habit est assis à droite, à ma gauche donc, à la hauteur de l’oreiller, et la dame en jupe lui fait face, de l’autre côté. Au pied du lit, en plein milieu, se tient l’homme au t-shirt blanc. La deuxième dame se trouve à sa droite, vis-à-vis le coin droit du lit, qui est à ma gauche, lorsque je suis couché. L’homme à la chemise à carreaux se tient à la gauche de l’homme au t-shirt blanc, face au coin gauche du lit, qui est à ma droite, lorsque je suis couché. L’homme à la chemise froissée est assis entre l’homme à l’habit et le pied du lit, presque au milieu. L’homme au pull lui fait face, entre la dame à la jupe, donc, et l’homme à la chemise à carreaux, à ma droite donc.
Je règle mon réveil, car demain, je dois me lever de bon matin. La révision d’aujourd’hui m’a contraint à mettre de côté les tâches courantes, et je devrai pédaler vite pour reprendre le dessus. Je prévois de travailler tout le weekend. À moins qu’aucun imprévu ne survienne demain, et que le patron soit entièrement satisfait de ma révision. Ce qui ne s’est jamais produit en vingt-trois ans.Je laisse une note sur une page du cahier qui reste toujours sur ma table de nuit: ne pas oublier d’appeler Manon pour l’inviter au cinéma lundi soir. Depuis trois ans, deux mois, cinq jours, je laisse cette même note chaque semaine. Plus tard, quand je relirai mon cahier, ça me rappellera de bons souvenirs. J’ai pris l’habitude d’inviter Manon le lundi, parce que c’est moins cher, et il y a moins de monde. Je n’aime pas la foule, surtout au cinéma.