JEANNE: Vous avez lu Dila?
JEANNOT: Alors toi tu es drôle. Personne n’a lu Dila!
JEAN: Je ne suis pas d’accord. Moi j’ai lu. J’ai lu, mais je n’ai rien compris. C’est nul.
MARIE-JEANNE: J’ai commencé à le lire, mais je m’y suis perdue. Je lis quand je vais à la toilette, et d’une fois à l’autre, c’est difficile de s’y retrouver. Faut relire. Comme j’étais constipée la semaine dernière, je n’ai pas beaucoup lu. Je crois que je préfère lire des blagues quand je vais à la toilette.
JEAN-MARIE: Dila, c’est épatant.
JEANNE: C’est vrai que ça épuise. Habituellement, je lis des polars, mais pour lui faire plaisir, j’ai lu Dila. J’étais rendue à Marseille, sans vraiment savoir comment ni pourquoi. Lire Dila, c’est se lancer dans le vide et ne jamais atterrir.
MARIE-JEANNE: Il y a un narrateur coincé dans une pièce, il y a cette fille qui parle à tous les temps, et soudain, ça éclate.
JEAN-MICHEL: Pourtant c’est simple. Elle est dans une pièce, dans une prison si vous voulez, et le monde tourne autour. Le monde ne s’arrête pas. Il a tourné avant elle, pendant elle, et il tournera après elle. Son histoire remonte à la surface, nous y jetons un coup d’œil, mais elle est avalée par le maelstrom.
JEAN: Sauf qu’on pourrait nous raconter ça comme on nous raconte n’importe quoi. Écrire pour se faire comprendre. Communiquer.
MARIE-JEANNE: Oui! Il y a des recettes, pourtant.
JEAN-MARIE: Dila, c’est épatant.
JEAN-MICHEL: Tout se tient. Clairement, sagement, platement. À quoi bon retrouver les parents, les siens ou ceux de la victime? La laisser parler, s’égarer, se retrouver, avec un bruit de fond continu, le bruit du monde qui va comme il va.
JEANNE: Est-ce que les auteurs ne devraient pas plutôt nous amuser? Nous plaire avec de belles inventions?
JEANNOT: C’est ce que nous, la majorité, pensons. Nous achetons les livres, nous avons notre mot à dire. Je n’aime pas mon boulot, mais je travaille tout de même. Argent durement gagné. S’il vous plaît, servez-nous ce que nous désirons. Il n’y a pas à tergiverser. Le client est maître! Faudrait pas l’oublier.
MARIE-JEANNE: C’est bien vrai, même si je ne suis pas tout à fait d’accord.
JEANNE: Hein?
MARIE-JEANNE: En tout cas, faut nous permettre de lire ça aux toilettes sans perdre le fil.
JEAN-MICHEL: Lire Dila, c’est autre chose. Je suggérerais de le lire au café, de huit heures le matin jusqu’à tard dans la journée. Lire dans le bruit, et oublier le bruit, se laisser bercer par ce bruit.
JEANNE: Je préfère le lire dans mon hamac, près du lac. Quoique les moustiques. Oui, dans mon hamac.
MARIE-JEANNE: À part les toilettes, je n’ai pas le temps.
JEAN: Je lis dans le métro. Ça fait passer le temps.
JEANNOT: Allongé sur le fauteuil, mais que de bons romans. Et des biographies.JEAN-MARIE: Dila, c’est épatant. N’importe où.