Dans mon village, les gens ne se parlent plus, du moins, pas comme ailleurs, vous savez. Ils ne sont pas silencieux, oh non, au contraire, les voix résonnent du matin au soir, parfois toute la nuit.
Chez nous, les gens jouent. Ils s’inventent des rôles, et ils en changent tous les jours. Parfois, j’avoue, il est bien ardu de s’y retrouver.
Ceux qui ont beaucoup d’imagination nous déclament de véritables romans. Là, franchement, on s’y perd totalement.
Le plus amusant, c’est quand il y a un crime. Un vol, un meurtre, un peu de corruption. C’est amusant, parce que les flics, quand ils débarquent, ils font une de ces têtes! Les flics, ils arrivent de la ville, alors vous voyez. La chose est sérieuse, Monsieur Y est froid, ils veulent savoir pourquoi, par qui. Les villageois, ils leur répondent par des répliques, oh de belles répliques. Ils répondent par des romans aussi, ceux qui en font, et tout cela est en général bien dit, mais les flics s’y perdent.
Je crois qu’ils préféreraient nous abandonner à nos crimes. Sauf qu’on les contraint à venir, à revenir. C’est ainsi.
Les flics n’ont jamais résolu le moindre crime chez nous.
Un jour, il faudra que vous nous rendiez visite, plutôt que de rester ici, de l’autre côté de la limite du village. Il ne vous arrivera rien, en principe.