Laurent et Florence au café

Donc, donc, donc, dès qu’il aura ouvert la porte de verre, ou est-ce Florence qui l’a fait, il s’est retrouvé dans cette salle, longue et mince comme un wagon-restaurant, avec deux séries de tables de part et d’autre d’une allée centrale qui mène jusqu’au comptoir, installé au fond. Trois mètres du sol au plafond, quatre mètres entre les deux murs latéraux, onze mètres de la porte au mur derrière le comptoir. Un espace de cent trente-deux mètres cubes aux couleurs chaudes, couleurs de sable, de terre, murs crème, carreaux au sol crème, boiseries d’acajou, boiseries de sapin. Un corridor, ni plus ni moins, qui mène au comptoir et à son encadrement. Là, l’accumulation d’éléments décoratifs laisse perplexe. Cet encadrement divise la salle en deux. Les tables accaparent les trois quart de l’espace, et le comptoir, derrière l’encadrement, le quart du fond. L’encadrement est composé d’une poutre reposant sur deux piliers encastrés dans les murs de droite et de gauche. Cette poutre et ces piliers sont recouverts de fines plaques d’acajou, ou de bois teint aux couleurs d’acajou, et forment un cadre devant le comptoir. Étonnamment, on a ajouté aux angles supérieurs formés par les piliers et la poutre, des jambes de force sculptés mécaniquement, pleins, larges, qui semblent d’autant plus imposants et larges que la pièce-corridor est mince. Deux volutes terminent chaque extrémité du jambage, ce qui confère à l’ensemble un air pompeux. Mais ce n’est pas tout. De chaque côté de la pièce, collés aux piliers, se dressent deux demi murs à caissons qui s’avancent de soixante-quinze centimètres, avec leurs quatre rangées de trois petits carrés. Déjà, on le voit, le décor se charge, on flaire la volonté d’en imposer, d’exposer de la boiserie. Sans doute éperonné par un enthousiasme délié, le patron a ajouté deux énormes lampes aux extrémités des demi-murs. Et pas n’importe quelles lampes! Larges colonnes d’un mètre de haut, tore à la base, baguées d’astragales aux quatre cinquième, chapiteaux à volutes au sommet, sur lesquels reposent deux boules de lumière. Un étranger, comme Laurent, peut se demander où conduit un châssis pareil! Ou peut-être pas. Peut-être ne distingue-t-on pas cette poutre, ces jambes de force, ces lampes, simplement parce que derrière se déchaîne une autre avalanche de boiseries qui, vues de loin, se confondent un en seul méli-mélo indistinct, aux formes vagues, un bric-à-brac d’antiquaire dans une boutique exigüe.

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