LÉO: Là-bas, nous battons les enfants. Pédagogiquement, avec nos matraques.
GUS: Des matraques de flics?
LÉO: Non. Des matraques spirituelles.
GUS: Du vent?
LÉO: De vrais matraques.Toutes les matraques sont façonnées dans un tibia de bœuf. C’est un travail délicat, et long. J’ai séjourné trois jours à la campagne, chez l’éleveur, à humer le bœuf dont je cueillerais le tibia. On ne choisit pas le tibia à la légère, sur l’étal du boucher. Le caractère de la bête doit correspondre à son propre caractère, une profonde connexion entre le bœuf et soi-même est cruciale. La découverte du bœuf absolu peut survenir en dix minutes, mais aussi, après six mois, un an, deux ans de longs voyages dans les campagnes du pays. Une fois la bête choisie, je l’ai accompagnée jusqu’à la fin. Je la caressais de mes deux mains lorsqu’elle est morte. Je l’ai ensuite suivie chez l’équarrisseur, qui m’a remis le jarret droit, puisque je suis droitier. Je me suis confiné chez moi pendant trois jours, comme cela est prescrit, et j’ai fait mijoter le jarret, que j’ai mangé en entier. J’ai ensuite mangé la moelle, et j’ai mis le tibia à sécher, le temps qu’il fallait, je l’ai sculpté, principalement avec une meuleuse de précision et une ponceuse, jusqu’à ce qu’il soit parfaitement adapté à ma main. Voilà. J’avais enfin ma matraque.
GUS: Vous êtes fous! Je préfère philosopher sous les ponts.