Le blues de l’auberge antédiluvienne

Le nouveau détective a emménagé dans son nouvel appartement dans le vieil immeuble du quartier historique de la capitale, et trois heures après avoir fermé la porte pour la première fois, il a fracassé un vase chinois. Une savate sur le vase. À ce point, il aurait fort bien pu prétendre que c’était involontaire, un aléa de l’emménagement, cartons pêle-mêle, fatigue, n’importe quoi. C’était volontaire. Une savate, suivie bientôt d’une autre, à l’intention de la lampe torchère. Nouveau fracas, débris de verre. Et puis, le reste. Tasses projetées sur le mur, caleçons déchirés, dentifrice répandu sur la moquette, livres défenestrés, le tout accompagné de notes stridentes, hurlements, pleurs, un joli déchaînement.

Le type d’en dessous, incertain, flegmatique, hésitait, s’interrogeait sur son rôle dans cette scène, jusqu’à ce que, las de ne pouvoir écouter sa série télé, il appelle les services d’urgence, refusant de dire autre chose qu’une personne à cette adresse n’était pas bien, en mourrait peut-être, raccrochant lorsqu’on a exigé son nom, ne réalisant pas que tout était enregistré, son numéro, son adresse, son identité, ses numéros de carte de crédit, la forme de son nez, la nature de ses problèmes gastriques, sa passion maladive pour les statuettes d’australopithèques.

Coup sur coup, des ambulanciers ont frappé à la porte du détective, puis des policiers et des pompiers, qui ont défoncé pour, ensemble, maîtriser l’homme qui s’était réfugié dans la vodka et la cocaïne.

Un long criminel qui vit au bout du corridor sur le même plancher que le détective a fortement recommandé aux policiers d’enfermer le détective, mais ils refusaient, leur presque collègue ne méritait pas cela, à leur avis, mais les ambulanciers hésitaient, croyaient qu’un séjour en institution, pour quelques années, était de mise, question de protéger le détective et la Justice, ce qui a plu au criminel qui se réjouissait des beaux crimes à commettre, libre de toute enquête et autres tracasseries administratives.

À la fin, le type d’en dessous s’est rassis devant sa série télé, le criminel est descendu à la banque pour une extraction, et le détective enquête dans les jardins de l’institut, où des écureuils ont chipé les sandwiches de Marguerite Duras.

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