J’ai trouvé un revolver, je m’en suis servi pour asservir les serveurs du Grand Restaurant de la Côte Saint-Marc, ils m’ont tous échappé, sauf un, à qui j’ai planté le canon dans le dos, et nous avons couru, traversé la ville en fous, deux météores, nous avons atteint la frontière, vitesse maniaque, et sans nous arrêter, nous avons parcouru toutes les Amériques, nous avons trouvé le moyen de sauter d’un continent à l’autre, quand nous avons atteint l’Italie les choses se sont corsées, mais dès la France, j’ai respiré, mon serveur aussi, surtout lui je devrais dire, il commençait à en avoir marre de sillonner la planète sans plan, à l’aveuglette, mais en France, oh en France, il a bien cru que ça y était, il s’y voyait, un avenir, la gloire, la fortune, mais dans un petit village, je crois que c’était Maillebois, un paysan a lâché ses vaches dans le pré où nous nous étions réfugiés, c’était à l’ombre d’une vieille forge, j’ai bien cru que dans le chaos pastoral j’allais y perdre serveur et revolver, mais après un saut dans l’étang, après avoir marché sur d’énormes carpes, nous avons repris notre marathon international, et ce fut la Finlande, l’Islande, nous sommes tombés d’épuisement, et cela, même si je savais que nous avions encore pas mal de route devant nous, mais oh déception, oh destin, oh crétin, j’avais divagué jusqu’au point de départ, Grand Restaurant de la Côte Saint-Marc, je me suis secoué, on s’en doute, secoué et resecoué, mais le serveur a profité de ma confusion pour s’emparer du revolver, et sans hésité il a tiré, une balle dans l’épaule, une balle dans la main, une balle dans le bras, une balle dans la jambe, rien pour tuer un homme, il ne m’a pas tué, il vise comme un idiot, mais il lui reste encore deux balles, et je sais qu’il va tirer à nouveau, je le vois dans ses yeux, il veut en finir.