C’est un pyromane! Payata allume des incendies, il en allume tant que son village a été complètement rasé par les flammes. Le voilà qui se pointe chez nous, allumettes en poche, déterminé, on le suspecte, à poursuivre son œuvre.
Le problème, et il est de taille, est que Payata séduit tous ceux qu’il approche. Il a séduit le maire, le chef de la police, et le voilà qui se dandine à la Chambre de commerce. Nous, qui vivons dans les rues obscures, tremblons. Nous possédons peu, mais perdre ce peu serait immense. Catastrophique.
Le fils des Robitoto a organisé une brigade populaire, des braves qui se donnent pour mission de botter le derrière de Payata, jusqu’à ce qu’il déguerpisse loin d’ici. Évidemment, par précaution, tous ces braves se bouchent les yeux et les oreilles, question de ne pas succomber à l’envoûtement de Payata. Sauf que la mission est ardue, maintenant que tout ce qui tient le haut du pavé dans le village a succombé.
Coup de théâtre! Payata a pris le contrôle de la mairie, de la police et de la chambre de commerce. La Brigade Robitoto a mobilisé ses troupes, pour empêcher Payata de sévir dans les rues du village. Sauf que Payata n’a pas tenté de sortir, il n’a allumé aucun incendie.
Payata, c’est peut-être l’âge, l’appel d’une nouvelle aventure, l’évolution de son œuvre, ne s’en prend plus aux maisons, aux édifices, aux infrastructures villageoises. Il s’est raffiné, et ne brûle plus que du papier. Du papier!
Il a vidé la piscine municipale, pour y entasser tous les livres de la bibliothèque municipale. Cela a fait un énorme, et chaud, feu de Saint-Jean. Il y a eu des grincements de dents, quelques larmes, deux ou trois poings levés, mais la chose a, de façon générale, plutôt rassuré. Les maisons étant préservées.
Fort de cette victoire, Payata a bourré la piscine de toute la paperasse municipale: cartes typographiques, documents budgétaires, factures à payer, chèques à poster, pots de vin, contraventions à percevoir, bref, le grand vide. La majorité villageoise a, cette fois, carrément dansé de joie.
Quand Payata s’en est pris aux coffres-forts, plusieurs ont sourcillé. On trouvait que là, vraiment, il exagérait peut-être. Mais comme une semaine plus tard, les maisons étaient toujours debout, on s’est rassuré.
Un jour, il fallait bien que ça arrive, il n’y a plus eu de papier. Tout le village a tremblé. La Brigade Robitoto avait été dissoute depuis longtemps, nous nagions dans une béate tranquillité, l’avenir nous semblait, bêtement, assuré. Mais c’est arrivé. Fini le papier, nous étions pris de court. Payata allait-il assouvir sa terrible fascination sur nos maisons?
Horreur! Oh! Abominable malédiction! Un samedi matin après le café, Payata a jailli de la mairie, un flambeau dans chaque main, et il a…
(NDLR Le reste de ce manuscrit a été détruit par les flammes)