JUN: Il est quelle heure?
LON: Demain.
JUN: Ça va? J’ai l’impression que tu n’es plus sur les rails.
LON: Que seraient ta vie, ma vie, notre vie, si nous parvenions à diluer chacun des mots que nous prononçons. Les diluer, les désintégrer. Les plonger dans un bain d’acide. Tous. Tous les mots.
JUN: Inutile.
LON: Chocolat: je le dilue, je le désintègre. Ce mot n’existe plus.
JUN: Soit. Mais j’en mangerai tout de même.
LON: Tu ne sauras plus ce que c’est. Alors, comment en voudrais-tu? Impossible.
JUN: Maison.
LON: Même chose.
JUN: Nous finirons par ne plus nous parler. Tous les mots, c’est quand même quelque chose.
LON: Dorénavant, chaque fois que tu prononceras un mot, que je prononcerai un mot, il disparaîtra. C’est parti! Pfffuit!
JUN: Je ne pourrai plus te parler.
LON: Ce sera encore possible, pour un temps limité.
JUN: Nous aimons communiquer, pourtant.
LON: Échange de banalités.
JUN: Voir s’envoler ces liens.
LON: Perdre tristesse, mort, trahison, haine.
JUN: Peur, douleur, fin.
LON: Promesse, aussi, mouvement, temps.
JUN: Espace, existence, vie.
LON: Soi, moi, toi.