Nous dansions depuis plusieurs heures lorsque le plancher a cédé. Certains, qui buvaient au bar ou qui étaient assis aux tables le long des murs, ont évité la chute. Mais tous les autres, tous ceux qui dansaient, en particulier, ont plongé dans le gouffre. Trois étages. Il y a eu plusieurs morts, tués en se fracassant le crâne à l’atterrissage, ou écrasés par les poutres. J’ai vu tout ça dans ma dégringolade. Étonnamment, je m’en suis sorti vivant, ce qui ne signifie pas que je suis tiré d’affaire. L’écroulement a été provoqué par un léger tremblement de terre, qui a libéré des gaz qui ont pulvérisé trois des étages de l’édifice, dont celui du plancher de danse. Quand j’ai piqué du nez vers le trou noir, le hasard m’a projeté, malgré moi, dans la faille par où s’étaient échappés les gaz. Seul. Et presque aussitôt, derrière moi, des débris ont bloqué la mince cave qui s’est ouverte dans le roc, sous l’immeuble. Tout de suite après, il y a eu un éboulement de terrain, qui a complètement colmaté le passage. Me rendant compte de cela, sans être défaitiste de nature, j’ai conclu que ma fin approchait. Eh bien non. Sauf que j’ignore d’où me parvient l’air qui me permet de respirer. Noirceur totale. Je peux me mouvoir, mais seulement en me tordant comme un serpent. C’est lent, mais j’avance. Est-ce que je m’enfonce? Est-ce que je m’approche d’une sortie? Je l’ignore, mais j’ai l’impression que ma tête est légèrement plus basse que mes pieds. Je présume que le gaz, à nouveau, jaillira des profondeurs. Ou pas. Je rampe. J’en suis maintenant certain, j’ai la tête pointée vers le bas. Je le sens, à cause de l’afflux de sang. Logiquement, donc, je m’enfonce. Mais comme dit ma voisine, faut garder un esprit positif. C’est pas parce que je m’enfonce que je ne m’en sortirai pas.