Sont-ce des rhumatismes, ou simplement le poids de mes valises? Mes genoux me font affreusement souffrir, si je le pouvais, je m’enfoncerais dans un lit de fougères, je m’abandonnerais au chant du rossignol, je m’endormirais pour peut-être, enfin, me reposer. Mais je dois continuer sur ce chemin. Me traîner jusqu’au prochain village, puis au prochain, et encore au prochain. Toujours un autre village, ils en ont semé à l’infini!
Ils sont tous morts, ceux qui vivaient là-bas. Tellement morts, que je m’étonne de bouger encore, d’avoir encore la force de soulever ces pieds.
Depuis mon départ, je me répète que ça n’a aucun sens. Pendant que je marche, des bêtes se chassent et se dévorent, juste là, à côté, dans la forêt. Des hommes partent à la guerre. Des enfants brisent des carreaux avec leurs balles. Des voiles s’envolent derrière de jolies femmes. Des volcans. Des rivières. Des secousses innombrables, partout.
Vivre dans tout cela. Avoir l’impression d’en être, membre du club de ce qui remue, se démène, vaque à ses affaires, s’ennuie.
Voilà un autre village. Je leur serrerai la main, je danserai, et je poursuivrai mon chemin. Ils sauront, pendant qu’ils boivent, que je marche encore.