Il est arrivé avec un sac rempli d’argent, je lui ait dit tu l’as volé, il a juré que non, qu’est-ce que je m’en fous, c’est ce que je lui ai répondu, buvons légèrement et décollons, nous n’avons pas fait long avant de nous perdre, quand nous partons ensemble, c’est inévitable, pas de chance, nous voilà, deux tartes en pleine forêt, qu’avions-nous à nous fourrer là, il y a eu la nuit, il n’y a pas eu la lune, il y a eu les moustiques, des millions de moustiques intraitables, nous avons bien essayé d’acheter la paix, avec ce sac rempli de billets nous nous disions, mais ces moustiques-là étaient intraitables, pas moyen de dialoguer, alors pour limiter les dégâts, nous avons marché toute la nuit, forcément nous nous sommes perdus davantage, si c’est possible, au petit matin des chasseurs, nous avons chanté en les voyant, ils nous ont volé vêtements, papiers et chaussures, mais pas le sac de fric, nous l’avions dissimulé sous des feuilles dès que nous les avons aperçus, sauf que là, à poil et toujours perdus, la nature se montrait acariatre, mais il y avait de l’espoir, nous étions près de quelque chose, vu les chasseurs, nous les avons suivi de loin, patients, égratignés par les brouissailles, les branches d’épinette, ils tournaient en rond, nous avons failli les perdre de vue plusieurs fois, nous n’osions pas approcher, vu les fusils, ils ont fini par nous conduire à un village, nous nous croyions sauvés, le maire qui nous a offert de nous conduire à la ville, oui merci, peu nous importe la ville, nous voilà sur la route, nous avions acheté de vieilles fringues, l’air de vagabonds, sauf que ce n’est pas à la ville qu’il nous a fait descendre, c’était un désert, pas de chance, comment est-ce possible que nous n’ayons jamais vu cet endroit, j’ignorais qu’il y avait un désert dans le coin, nous avons décidé de faire du stop, mais comme il n’y avait pas de voitures, nous n’avions pas trop le choix, nous avons marché le long de la route, et je me demandais si nous allions mourir ou si nous aboutirions quelque part, et je me le demande encore, et j’avoue, ma foi, que je n’en sais rien, sauf que je me fatigue, oui, j’ai faim, j’ai soif, j’ai surtout soif, j’ai hystériquement soif, et tout cela me fatigue.