Un arbre dépouillé de ses feuilles, un homme nu, maigre, un sol dur.
HOMME: J’ai tué la fée de la jeunesse quand un rayon de soleil m’a brûlé la rétine. Elle était ravissante, elle croquait des notes sur ses instruments, vous l’auriez entendue, près d’elle les ambitions misérables pâlissaient, les vilenies se dissolvaient, et tout le triste assemblage de petitesse et d’hypocrisie se dissolvait dans la rosée. Jamais je ne connaîtrai un charme plus profond.
ARBRE: Sombre verdure teintée de sang, vous couronnez cette journée de votre babiage habituel, orage humain, je vous connais. Lugubre. Criminel. Meurtrier. Vous voilà bien démuni, sans même votre taudis aux fenêtres cassées que les vents du printemps ont emporté. Entendez-vous le sourd murmure de la solitude? Car vous voilà bien seul, si vous ne l’aviez pas encore réalisé. Oubliez tout. Lèvres de corail. Douceur grave. Forêts enchantées. Il n’y a plus que moi et ce sur quoi nous tenons. Ce sol maudit.
HOMME: Anéanti. Tout est anéanti. Finir avec cet arbre. Parler à cet arbre. Tenter de retrouver la candeur enfantine, sourire de mes dents d’ivoire.
ARBRE: Édenté!
HOMME: Ébranché!
ARBRE: Qui attendez-vous? Pourquoi ne pas en finir, puisque tout l’est? Tendez l’oreille, vous entendez? Il n’y a plus de bêtes féroces, fini les hurlements, oubliez votre fée, oubliez votre femme ivrogne, l’odeur forte des sentiers tortueux s’est évanouie dans votre mémoire.
HOMME: Un arbre, pauvre imbécile, ça ne converse pas avec un homme. Je suis un homme.
ARBRE: Un gibier de potence. Un épouvantail au regard vitreux. Un homme? Faites-moi rire! Vous arborer la piteuse fierté de vos ancêtres.
HOMME: Mes ancêtres?
ARBRE: Ceux qui sont morts la semaine dernière. Ceux qui sont morts hier. Tout à l’heure.
HOMME: Vous suintez l’abîme.
ARBRE: Je vous survivrai.
HOMME: Je vous tuerai. Voilà. Suffit que je vous pousse, comme ceci! Voilà! Suffit que je vous casse, comme cela! Vous voyez!
TAS DE BOIS: …
HOMME: Vous voyez! Cet impertinent! Je sais comment les réduire en poussière, ces diables! Et maintenant. Oui, maintenant, caressons les mille promesses de notre avenir!