Au carré littéraire, la table est en érable canadien, et les pattes de la table sont en chêne français. Elle fait deux mètres par deux, et ses limites physiques déterminent le nombre de membres du carré littéraire. On peut, habituellement, asseoir quatre personnes sur chacun des côtés de la table, ce qui nous donne un total de seize membres. Quand il y a des membres rachitiques, vraiment très minces, maigres, cadavériques, on peut ajouter un membre supplémentaire. À l’inverse, si des membres prennent du poids, mais beaucoup de poids, il nous faut alors, et nous le regrettons (pour la forme), exclure un ou plusieurs membres, selon l’importance du surpoids. Nous n’éjectons pas nécessairement le dernier arrivé. Le malheureux élu sera celui, ou celle, qui aura reçu le moins d’appuis. Cela se fait, pour éviter les frictions ultérieures, par scrutin secret. Chacun écrit les noms des membres, par ordre de préférence, en attribuant un nombre, de un à seize. Nous additionnons les résultats pour chaque membre, rigoureusement, et celui ou celle qui reçoit le total le plus élevé doit partir. Ouste! Qu’on ne te revoit plus! Hier, Oje a dû quitter son siège. Personne, à part lui-même, ne l’aime. Il avait obtenu deux cent quarante et un, soit quinze fois seize, plus un, le nombre qu’il s’est lui-même attribué. Du moins, c’est la conclusion logique, non? Car il n’aurait certes pas voté pour s’exclure lui-même, ce que ses chaudes larmes, lors de son départ, semblent indiquer.
Le carré littéraire du bas village des Pinsons a donc repris ses activités ce soir. Il a été décidé que dorénavant, au bas village des Pinsons, le champ de la fiction s’étendrait aux auteurs eux-mêmes. Qu’on en prenne note, désormais les auteurs, tous les auteurs, et les autrices aussi, sont de la pure fiction, des personnages. C’est le cas, donc donc donc, de Oje Lanbe, qui est un Paul Claudel lorsqu’il écrit, un Gros-Jean comme devant lorsqu’il joue au poker, et un Ti-Coune lorsqu’il zieute ses voisines du rang des Oliviers.