Lorsque les chouettes hululent

Il n’y a pas de fumée sans jeu, disait mon grand-père, qui aimait allumer un joint sous les prétextes les plus improbables. Parfois c’était parce qu’un chat, dans la ruelle, avait miaulé. J’ignore pourquoi il avait besoin d’un prétexte, pourquoi il ne les allumait pas quand bon lui semblait, tout simplement. Un crissement de pneus qui dérapent, un joint! Une sirène d’ambulance, un joint! Un coup de tonnerre, un joint! Les voisins qui s’engueulent, un joint! Une chouette qui hulule, deux joints! Parce que c’est rare.

On ne fait pas de fumée pour si peu, a lancé ma grand-mère, quand grand-père est mort. J’ai voulu allumer un joint, ça allait de soi, pour marquer le coup. Il le faisait pour tous les morts, et il y en avait de plus en plus, parmi ses copains. Je me disais que je le lui devais bien. Mais grand-mère a piqué une crise, je n’ai pas insisté. Le lendemain de l’enterrement, j’ai appris qu’elle avait enterré grand-père avec toute son herbe, et il lui en restait beaucoup, au moins pour douze mois.

Comme je ne fumais qu’avec grand-père, depuis, je n’ai plus jamais allumé un joint. Je vais dans la vie comme un homme sérieux, sans plus porter attention aux chats, aux ambulances, au tonnerre et aux voisins. Pas même aux chouettes, quoiqu’elles, je ne peux m’empêcher de les remarquer lorsqu’elles hululent, puisque c’est si rare.

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