ANTONIN: La première fois qu’on m’a kidnappé, je photographiais l’ancienne maison de Claude Simon à Perpignan. Ils me sont tombés dessus, quatre bandits de tous les sexes, armés de révolvers, de pistolets électriques, de menottes, cagoulés, gantés, impolis. La route a été longue et fort cahoteuse, puis il y a eu la mer, je l’ai entendue, je l’ai sentie, car dans la boîte de cette camionnette je ne voyais rien, puis il n’y a plus eu la mer, et j’ai tout de même fini par m’endormir, d’un véritable sommeil, je crois, car je ne me souviens pas qu’on m’ait assommé, ou drogué. À mon réveil, j’étais toujours étendu, menotté, garotté, dans la boîte de la camionnette. Ça roulait toujours, il y avait beaucoup de trafic, cela je pouvais l’entendre, et des poids lourds, et des voitures sport, et des motos. Pour passer le temps, je me suis mis à compter les motos. Il y en avait trop, j’ai abandonné. Je me suis rendormi, je me suis ré-réveillé, et rendormi, et ré-réveillé, et vice-versa pendant des heures. Puis, tout s’est arrêté. Soudain, mes bandits n’étaient plus là. J’ai frappé des pieds contre le métal des côtés, je me suis démené mais personne n’a réagi. Je n’entendais rien à l’extérieur. Alors j’ai attendu, croyant qu’on viendrait m’expliquer mon rôle dans cet étrange kidnapping. Je me suis alors endormi à nouveau, et c’est une voix, une forte voix d’homme, qui m’a réveillé. Je me suis remis à taper. La voix s’est tue, puis a demandé, qu’est-ce que c’est. Comme je n’étais pas en mesure de répondre, j’ai tapé de nouveau. La voix s’est éloignée. Une heure plus tard, au moins, d’autres voix se sont approchées. Deux types. Je tapais, je frappais, j’entretenais un joli vacarme. Mais eux, ils tournaient autour de la camionnette, et comme ça, un tour, deux tours, trois tours, et ça n’en finissait plus, jusqu’à six tours! Drôles de bandits! J’avais faim, j’avais soif, j’avais des fourmis dans les jambes et une araignée sur le nez. Ils se sont mis à tirer sur les poignées des portes. Je me suis dit qu’ils avaient perdu leurs clés, ou qu’il s’agissait d’autres bandits, qui voulaient kidnapper un kidnappé. Un vol de bandits à bandits. Ça se corsait. Ils ont refait quelques tours de la camionnette. C’était vraiment leur truc, ça, tourner autour. Puis ils ont frappé un grand coup, avec une barre de fer. La serrure a lâché, ils ont ouvert les deux portes arrière: les flics! Deux flics, éberlués, m’ont libéré. Ils ont fait oh, moi je n’ai rien fait, puisque j’étais garrotté. Ce n’est qu’arrivé au commissariat que j’ai compris que j’étais à Dunkerque. J’en avais fait du chemin. Ils m’ont expliqué que mes bandits impolis m’avaient pris pour Preston, le fils de Jeff, moi qui ne parle pas un mot d’anglais, qui habite chez ma tante Diane, qui ne s’achète pas de voiture afin de pouvoir voyager. Un peu. Preston!
LIANNE: Et la deuxième fois?
ANTONIN: Ah, c’était à Atlanta.