Le coupable inopiné

L’accusé s’est échappé du Palais de justice, pendant que les policiers répondaient aux oeillades des trois jeunes femmes, sans savoir que c’étaient sa soeur, sa cousine, sa voisine. Ennuyé, le juge s’est élancé pour lui mettre la main au collet, mais ennuyé par sa toge, il s’est affalé de tout son long sur la première marche du grand escalier, qu’il a déboulé tout de travers. Fracture à l’avant-bras droit, au tibias gauche. Pendant ce temps, l’accusé courait, disparaissait dans les rues bondées du centre-ville.

Je passais par là, ne me doutant pas du drame qui ébranlait notre système répressif. Me voyant, les deux policiers qui avaient bêtement laissé filer l’accusé se sont poussés du coude, et en moins de deux ils me sont tombés dessus. Coups de matraque, coups dans les reins, ils m’ont amollit.

Pantelant, interloqué, ils m’ont traîné jusque devant le juge qui, souffreteux mais heureux d’avoir retrouvé un accusé, a poursuivi où il avait été interrompu quelques minutes plus tôt, et sans que j’aie pu appeler maman, j’ai subi interrogatoire et contre-interrogatoire et contre-contre-interrogatoire, jusqu’à ce que, las de s’égosiller, tout le personnel du tribunal, juge, avocats, sténographes, s’entende pour me reconnaître coupable et me condamner à perpète.

Éberlué, sur le chemin du pénitencier, je me suis rendu compte que j’avais oublié de demander quel était le crime dont on venait de m’accorder la responsabilité.

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