On ne plaisante pas avec les choses sérieuses

Papa avait du fric, beaucoup de fric, presque tout le fric. Papa est mort, tué par un de nos chiens qui ne supportait pas son odeur. Dit-on. Odeur de fric? Ah ah, j’ai fait de ce chien mon préféré.

Mais tout ce fric! Il y a cinq ans, ils ont dû agrandir les coffres de la banque pour le contenir, et on vient de m’aviser qu’il faudra, à nouveau, en augmenter la capacité.

Alors moi, vous savez. Alors moi.

Je voulais que ça cesse, vous savez. Je me suis donc rendu directement à la banque. Comme un client normal.

Oh la commotion. Ils se sont tous immobilisés, pétrifiés. J’ai failli appeler les secours, mais je n’ai pas eu le temps. Le directeur m’a entraîné dans son bureau, m’a offert sucettes, chocolats et limonades.

Il tremblait, il m’a montré des photos de sa famille, des photos de lui, vingt ans plus tôt, quand il a commencé à la banque. Il m’a rebattu les oreilles avec toute une série de scénarios catastrophes, advenant son congédiement.

Non non non, mon bon. Je ne viens pas pour cela, je ne veux que vous soulager d’un gros tas de fric. Pour que vous n’ayez pas à agrandir, par notre faute, votre jolie petite banque.

Oh oh oh, mais que comptez-vous faire de ce gros tas, mon garçon, c’est vraiment une fortune imposante, importante, importune.

Pas de soucis, dormez bien, je ne compte que brûler ces dollars. Ou peut-être, les faire pleuvoir sur la ville du haut d’un hélicoptère. Je plaisantais, vous savez, je voulais alléger sa journée par une courte séance de rigolade. Les gens, ils aiment ça, quand on les fait rire.

Le directeur a changé du tout au tout, en une fraction de seconde. Il m’a retiré ma limonade, qui s’est répandue sur mon pantalon. M’a retiré ma sucette et mes chocolats.

Coup de sifflet. Deux solides gaillards m’ont empoigné, soulevé, défrisé. Sans me laisser le temps de protester, de rectifier, de questionner, ils ont poussé une porte secrète sur le mur de gauche, et m’ont traîné dans une espèce de long corridor. Long corridor, qui mène à un escalier.

Nous avons descendu, pris un corridor à gauche, faiblement éclairé par de faibles lampes jaunes. D’un coup de pied, ils ont ouvert une porte au battant en arc. Nouveau couloir, mais brut, creusé à même le roc. Une sorte d’ancienne galerie de mine.

Sans un mot, ils m’ont poussé, traîné et poussé encore, jusqu’à ce que le tunnel débouche sur une sorte de cave naturelle, jonchée d’os.

Je me suis cru au milieu d’un site archéologique, une sorte de cimetière de dinosaures. Que je me suis dit.

Les deux brutes ont déverrouillé des brassards de fer que portait un squelette. Je ne l’avais pas vu, celui-là. Un squelette humain. Ils ont lancé le squelette sur le tas d’os, où il s’est disloqué, et m’ont enchaîné à sa place.

Puis ils sont partis.

Trois jours plus tard, j’ai compris qu’ils ne reviendraient pas. Dommage. Je n’aurais pas dû plaisanter.

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s