Connaissez-vous La Tuque? C’est une ville, quarante-septième parallèle. J’y ai rencontré une Allemande qui me cherchait. Je ne la connais pas. Elle ne me connaît pas. Son frère, qui a vécu deux ans en Patagonie, mais il disait Pantagonie, j’ignore pourquoi, a fait quelques enfants à Jeanne-Louise, dont le père est de Bordeaux, mais la mère de Sainte-Thècle, et qui connaît la femme d’un ami qui vit à Saint-Eliza. Depuis des mois, cet ami avait prévu de m’emmener à La Tuque, et ça se savait. Ce qui se savait aussi, c’est ma passion pour les labyrinthes. J’en fabrique, des petits en bois, des immenses dans des champs de maïs. Comme j’aime les défis, dans mes temps libres, je me perds dans des labyrinthes. Ma passion. J’en ai essayé sous toutes les latitudes. Aucun ne m’a jamais résisté, quoique parfois j’y ai mis du temps. Jusqu’à trois mois, deux jours, sept heures, quatre minutes. Cette Allemande, donc, avait besoin de moi pour retrouver son fils, perdu dans un labyrinthe depuis plusieurs semaines. Un labyrinthe souterrain, médiéval, en Transylvanie. J’avais déjà visité ce labyrinthe, fort sombre, mais pittoresque, humide et mal entretenu. J’y avais passé quatre jours, sept heures, trente-trois minutes. L’Allemande m’a retrouvé sur la rive de La Bostonnais. J’y pêchais le doré, mais ça ne mordait pas. Elle m’a offert cinq cents mille dollars pour retrouver son fils, et cinq cents mille de plus si je peux le ramener vivant. J’ai d’abord refusé. Je croyais que personne ne me retrouverait sur La Bostonnais, je ne souhaitais pas qu’on m’y retrouve. Besoin de repos, de méditer sur la géologie, les planètes et le sublime mouvement de la vie. Sublime parce qu’insensé. Alors son frérot! Sauf qu’avec un demi-million, je pourrais m’acheter un lac et m’y réfugier aussi souvent que je le désirais. Alors, j’ai quitté La Tuque pour la Transylvanie.