Ils nous ont enfermés ici il y a plusieurs années, oh tant d’années, je ne les compte plus, personne ne les compte, et je crois que jamais personne ne les a vraiment comptées. On s’y fait. Je sais qu’il y a des gens qui vivent au nord, au sud, à l’est, à l’ouest, et ils s’y font. On s’adapte à tout. Nourris, blanchis, et nous avons même la télé et un vélo stationnaire. Le seul problème, mais oh un problème mineur, plus mineur même qu’un problème vraiment mineur, nous ne songerions pas à formuler une plainte formelle à ce sujet, c’est les fenêtres. Avec le temps, le vent et la pluie y ont collé de la poussière, de la suie, et il nous est maintenant impossible de voir à l’extérieur. Nous entendons toutefois. Des chansons, des cris, des hurlements, des plaintes, des mots doux, à longueur de journée et de nuit. Mais de quoi s’agit-il exactement? Nous l’ignorons. De notre côté du monde, les fenêtres se sont transformées en miroir. La saleté forme un tain qui nous renvoie nos visages. Plusieurs d’entre nous, qui prêtons encore l’oreille aux bruits extérieurs, s’en sont lassés. Mais d’autres gaspillent leurs heures à se regarder sous toutes les coutures. Les narines, les yeux, les poils du menton, le nombril. J’aurais envie de briser les fenêtres, en briser au moins une, mais paraît-il que cela est sévèrement puni par ceux de l’extérieur, et ceux de l’intérieur ne nous pardonneraient jamais la perte d’un seul de leurs miroirs.
La fenêtre
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